Le désert renferme bien des secrets

Quel livre lunaire que ce « Dieu sans les hommes » ! Je ne saurais décrire ce que j’entends par un livre lunaire puisque je n’ai jamais posé les pieds sur la lune, mais en revanche je peux vous assurer que plongée dans ce roman je m’y suis trouvée d’une certaine manière ! La narration est non seulement multiple mais également dispersée dans le temps. En passant d’un chapitre à l’autre le lecteur traverse parfois plusieurs siècles tantôt dans un voyage vers le passé tantôt dans un retour vers le futur.

Le seul point commun à tous les récits et personnages de ce livre est le lieu qui les accueille, le désert de Mojave, au pied de formations rocheuses qui s’érigent en pics vers le ciel. Y sont abordés le thème du passeur entre les deux mondes, celui des morts et des vivants, les terrestres et les extra-terrestres… Je ne saurais analyser tous les messages que l’écrivain cherche à communiquer à son lecteur. Qu’un lien existe entre tous les êtres de tous les temps, que ce lien se perpétue et que les histoires des morts et des vivants se confondent souvent, que peu importe l’origine de ces êtres humains puisqu’ils sont tous traversés par l’Histoire et l’atmosphère des lieux où ils séjournent, que toutes les histoires et Histoires en réalité sont entremêlées ?… Tout cela est dit et bien d’autres choses encore.

Les personnages mis en scène sont aussi étonnants que variés, un missionnaire de la fin du XVIIIème siècle, une juive new-yorkaise qui épouse un indien sikh, des hippies des années soixante-dix, une tribu indienne, un enfant autiste, un chanteur de rock anglais, une irakienne semi-orpheline et j’en passe, des militaires qui, comme au théâtre, font des répétitions de la guerre en Irak en plein coeur d’un désert américain.

Ce n’est pas une histoire qu’Hari Kunzru cherche à nous raconter, mais celle de l’humanité et des hommes, leurs interactions et leurs égarements. Certains personnages se rencontrent, parfois ils continuent d’être là dans le temps. Mais peu importent les destins et les rencontres, puisque dans ce monde étrange d’hommes les dieux sont livrés à eux-mêmes…

Je vous conseille aussi le dernier roman de Hari Kunzru, larmes blanches, bien différent dans sa structure, peut-être plus simple à aborder mais doté de la même profondeur.

DIEU SANS LES HOMMES
(Gods with men)
Hari Kunzru
Traduit de l’anglais par Claude et Jean Manuelli
Ed. J.C. Lattès, 2012 (v.o.  2011)

 

 

La structure de ce livre m’a fait penser au roman de Jennifer Egan, Qu’avons-nous fait de nos rêves ? (A visit from the goon squad).