Happy Land, de Shingo Honda

«Nous espérons que vous rentrerez tous chez vous le cœur et l’esprit libérés ! Bref, très heureux !"

 

Les éditions Omaké annoncent la couleur, en estampillant sur la jaquette de leur manga  "Happy Land", un bandeau indiquant qu'il s'agit du "Manga le plus barré de l'année !".  Et bien, promesse tenue pour ce savoureux mélange entre Destination Finale, Alice in Borderland, Saw et Battle Royal !
Une histoire complète en deux tomes qui nous permet de suivre quatre membres d'une même famille (Kenji, le père. Misa, la mère. Ritsu, le fils de 16 ans, et Rin la fille de 13 ans) qui se retrouvent dans un parc d'attraction inconnu, sans trop savoir comment ils ont atterri là…

Très vite, ils se rendent compte qu'ils ne sont pas seuls. Comme les autres visiteurs, ils sont accueillis par un homme à tête de lapin qui, comme le ferait le guide d'Alice au Pays des Merveilles, leur explique pourquoi ils sont à Happy Land et ce qu'ils doivent faire pour en sortir. Les réfractaires, eux, sont mis à mort par des colosses mi-homme mi- bête, des mascottes bien moins sympathiques que Mickey ou Donald.
Les règles sont simples ;  tous doivent participer aux attractions proposées, les unes à la suite des autres. Problème, ce sont des attractions mortelles pour ceux qui n'en comprennent pas le fonctionnement.

À partir de là, il est difficile d'en raconter davantage sans gâcher tout ce qui fait le sel de ce manga que j'ai littéralement dévoré. Mais pour réveiller en vous la part de commère qui sommeille en nous tous, laissez moi juste vous dire ceci ; pour s'en sortir vivantes, les personnes présentes dans les attractions doivent révéler leur plus grand secret, quelque chose connu d'elles seules. Les masques vont tomber.

Car, pour le lapin, Happy Land n'existe que dans un seul but : libérer l'âme et le cœur en étant soi-même et en révélant nos pires secrets. Bref, en étant honnête Nous allons vite nous apercevoir que la famille parfaite du début est en réalité gangrénée par le secret, loin d'être aussi heureuse qu'elle voulait le faire croire.
Nous passons d'un secret à l'autre, et ils sont de plus en plus sombres ! Les personnages présents dans le parc souffrent, mentent, dissimulent, sans qu'aucune échappatoire leur soit offerte. Compte tenu du propos, le manga est évidemment plutôt gore et réservé à un public averti, mais reste supportable et surtout, ne manque pas de profondeur, ce qui pêche parfois dans ce genre. J'ai beaucoup aimé ce premier tome pour son aspect psychologique - ce que je recherche toujours en priorité quand je lis des mangas - et le talent de l'auteur pour nous prouver que nous portons tous des masques. Celui du lapin est massif, voire ridicule, mais tout compte fait, il semble plus honnête que ceux portés par les familles présentes dans le parc. Les masques en société sont moins flagrants, mais néanmoins redoutables.
Tasses tournantes remplies d'acides, courses de Kart pleines de gadgets comme ceux de Satanas et Diabolo, ou encore grand huit guillotine, les attractions s'enchaînent et ne se ressemblent pas, au même titre que les secrets révélés. En ce qui concerne les enfants, à la pression et à l'obligation de réussite s'ajoutent des différences de traitement entres eux. L'auteur ne se contente pas de faire tomber les têtes, il livre aussi un sous-texte sociologique sur les névroses familiales. Dès que les premiers secrets explosent, les visages changent. Au fil des pages, des caractères vont se révéler et nous allons découvrir ce que chacun est prêt à faire pour survivre …
L'aspect gore et monstrueux du manga est là pour pousser les personnages dans leurs retranchements, afin de révéler au grand jour ce qu'ils veulent à tout prix cacher, en particulier à leurs proches qu'ils affirment aimer plus que tout. Que voulez-vous, le lapin n'aime pas les paradoxe. Au bout du compte, les attractions sont loin des souffrances infligés par ces fameux secrets.
Les éditions Omaké nous proposent une nouvelles fois une série courte, puissante, que je vous recommande chaudement. Mais attention, une fois le manga refermé, vous ne regarderez plus ceux qui vous entourent de la même façon !

HAPPY LAND
Série en deux volumes
Shingo Honda
Traduit du japonais par Studio Mankai (Julie Stephan)
éd. Omaké, 2022

La photographie en tête de l'article est d'Amalia Luciani pour Kimamori.

Cet article a été conçu et rédigé par Amalia Luciani.

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