Sous nos latitudes sombres, de Pascal Malosse

Après son précédent recueil de nouvelles "Soleil trompeur", dans lequel Pascal Malosse nous avait fait frissonner avec des histoires angoissantes ou horrifiques prenant place dans des décors du sud, il revient cette fois avec son pendant du nord, toujours imprégné de surréalisme. Dans "Sous nos latitudes sombres", l'auteur nous présente à nouveau sa grande créativité en plaçant la vingtaine de nouvelles dans des régions plus sombres et plus froides, un recueil qu'il dit lui-même être inspiré de son enfance à Bruxelles.
Si, comme moi, vous raffolez du format qu'offre la nouvelle et des rebondissements qu'elle garantit en fin de pages, pensez à placer ce recueil sous votre sapin. Le format et la qualité des nouvelles vous les feront enchainer les unes après les autres.
La chaleur, le sable, les médinas et autres temples grecques étaient à l'honneur dans Soleil trompeur. Ici, et avec l'arrivée de la période hivernale, on grelote littéralement et l'humidité dont sont imprégnées de nombreuses nouvelles semble transpercer les pages. Le thème de l'eau a une place prépondérante dans le recueil, et Pascal Malosse n'a pas besoin d'aller chercher au fond des océans pour nous effrayer. Même une simple pluie devient vite inquiétante comme c'est le cas dans la première nouvelle, "pluie sans fin".

«Les années s'écoulèrent comme les eaux usées. La ville continuait de s'étendre et le souvenir de la rivière s'estompait. Il restait bien quelques signes, quelques expressions, quelques noms de rue qui y faisaient référence, tels que des "quais", des "en amont" et "en aval". Certains vieux établissements s'appelaient encore "Le Café de la berge" ou "La Taverne des roseaux". Mais bientôt, la rivière ne fut plus qu'un égout parmi d'autres."

Même si Soleil Trompeur reste mon préféré, la grande majorité des nouvelles de Sous nos latitudes sombres m'ont réellement transportée. Sans pour autant vous gâcher la surprise de la découverte, je peux en évoquer certaines, comme par exemple la deuxième nouvelle du recueil "La rivière voutée".  Dans cette histoire, une jeune fille du nom d'Hermine vit grâce aux objets qu'elle récupère dans les eaux sales de la rivière, toutes les immondices et tous les déchets rejetés par la ville. Elle a une tranquillité toute relative, jusqu'au jour où une maladie décime les habitants des alentours et que la seule cause de ce mal semble être la rivière et donc, par ricochet, la pauvre Hermine …
Parmi mes coups de cœur du recueil, on trouve également "La traversée". Un ferry, le Spirit of Britain, quitte le port de Calais, Pris en pleine tempête, il va faire une découverte étrange en chemin. Cette nouvelle est très courte, mais j'ai apprécié son déroulement et, évidemment, sa chute.

J'ai beaucoup aimé la nouvelle intitulée "Le moulin charnel". Tout un programme donc, mais dont cette fois l'horreur n'est pas masquée et tapie dans l'ombre. L'aspect macabre de la fin de la nouvelle, le côté anxiogène du moulin et le malaise que provoque la sympathique famille qui occupe le monument m'ont beaucoup plus.
Au début de "La fonctionnaire", je me suis un peu demandée vers quoi l'on se dirigeait, et pas seulement parce qu'un des personnages de la nouvelle s'appelle Amalia. Justyna vient d'intégrer la Commission de l'Union Européenne, accompagnée de sa plante Fykus. Mais l'absurdité des situations à laquelle Justyna est confrontée, même si elle prête à sourire, finit par devenir angoissante tant on y décèle les rouages de certains fonctionnements de bureau qui poussent de nombreuses personnes au burn-out, ou bien pire.
Dans "Le puits des âmes", on pourrait se croire plongé dans Germinal. Une équipe de mineurs est obligée de descendre creuser à une profondeur jamais atteinte, pour laquelle ils n'ont d'ailleurs aucune préparation. Dans ces galeries souterraines, ils vont d'abord découvrir de l'eau, puis distinguer des bruits métalliques inquiétants …
Dans un aspect un peu plus historique, j'ai beaucoup aimé la nouvelle "L'arbre du Roi", dans laquelle Pascal Malosse utilise le personnage de Léopold qui se fait parvenir d'Afrique une plante extrêmement particulière et deviendra la pièce maitresse de sa serre du Congo. Il va la chouchouter, mais pas sûr que la plante oublie d'où elle vient et qu'elle apprécie son nouveau lieu de croissance.
Ce n'est qu'un très léger aperçu de la vingtaine de nouvelles du recueil, je pourrais aussi vous parler de "La cargaison" ou encore de "La dame de Verdemont", peut-être plus classique que d'autres mais qui m'a quand même totalement emballée. Lisez "Sous nos latitudes sombres", ainsi que son prédécesseur. Ainsi, vous parviendrez à couvrir l'immensité des paysages de la peur, qu'ils soient arides ou trempés par la pluie.

SOUS NOS LATITUDES SOMBRES
Pascal Malosse
éd. Malpertuis, 2022 - collection Brouillards
Couverture : Alexis Susani

  • La photographie en tête de l'article est d'© Amalia Luciani pour Kimamori.
  • L'image apparaissant dans l'article est : Vortograph of Ezra Pound, 1917, Alvin Langdon Coburn
Cet article a été conçu et rédigé par Amalia Luciani.

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