Les éléments, de John Boyne

« Est-ce que l'île vous a donné ce dont vous aviez besoin ? demande-t-il au bout d'un moment, et je suis obligée d'y réfléchir parce que je veux lui répondre honnêtement.
- Je crois que oui. Maintenant, il me reste à trouver comment me servir de ses cadeaux. »

L'écrivain irlandais John Boyne publie depuis des décennies et la majeure partie de son œuvre est traduite en français. Son dernier roman, Les éléments, paraît en cette rentrée littéraire 2025. Dans sa version originale il avait été publié sous forme de quatre novellas (romans courts) parus séparément entre 2023 et 2025 : Water, Earth, Fire, Air (Eau, Feu, Terre, Air). Le choix de réunir cet ensemble sous le titre Les éléments nous paraît judicieux : la chute est tant essentielle que réconfortante, il est bon d'y avoir accès dès après s'être lancé dans la lecture du livre qui nous happe immédiatement. L'excellent écrivain John Boyne nous offre une œuvre magistrale, une symphonie de grande ampleur.

La première partie, Eau, nous porte au côté d'une mère qui fuit sa vie d'avant. Elle quitte Dublin et le faste qui lui était coutumier pour séjourner dans une petite île où elle a loué une modeste cabane. Elle y mène une vie simple et tente de se recomposer après le scandale qui a fait la une des journaux et a valu la condamnation de son mari. Progressivement le lecteur connaîtra son histoire. Lorsqu'elle quitte l'île au bout d'un an elle est prête pour entreprendre une nouvelle vie. Elle croise un garçon de l'île sur le bateau qui la ramène vers le continent. Ce garçon sera au centre de la deuxième partie du roman, Terre, et nous découvrirons son devenir lors des décennies suivantes. La troisième partie, Terre, nous plonge dans le quotidien d'une chirurgienne spécialisée dans les opérations des grands brûlés. Là encore un lien est maintenu entre les personnages : le jeune interne en stage dans son service est fiancé avec la fille de la femme côtoyée dans la première partie. Vient enfin la finale, Air. Le jeune homme s'est marié, est devenu père, désormais il vit seul avec son fils. Cette quatrième partie nous ramènera sur l'île du début pour nous offrir un dénouement de toute beauté, tant poignante que lumineuse. Tout prend sens, les horreurs et les malheurs traversés peuvent être contrebalancés par une perspective d'avenir autre. Une boucle se boucle tout en accueillant la notion d'éternel recommencement.

Ce roman fait le choix de ne pas se voiler la face, de mettre à nu le pire, le plus monstrueux, le plus désolant de l'âme humaine et de ses actions les plus effroyables. Mais il n'oublie pas de faire la part belle à l'amitié, à l'amour, à la complicité qui font la force et la grandeur de l'être humain.

Si l'on reste accroché à ce livre et que l'on tourne frénétiquement ses cinq cents pages, c'est bien entendu dû au talent de l'auteur, virtuose en la matière pour mener la construction de l'édifice qu'est Les éléments. La structure, l'écriture, le souffle tout autant que l'incarnation des personnages sont remarquables.

LES ÉLÉMENTS
(Water, Fire, Earth, Air)
John Boyne
Traduit de l'anglais (Irlande) par Sophie Aslanides

éd. JC Lattès,  (v.o.   2023 à 2025)

Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.

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