« Si j'en avais une, mon identité serait frontalière. Au bout de l'avenue d'Italie, au niveau du Stop Phone et de Chez Petit Jean (restaurant asiatique, spécialité : filet de bar au chou vinaigré pimenté), tout près du périphérique, il m'arrive de croire que mes pas vont déboucher sur le front de mer du Havre, à gauche se dresseront les cheminées jumelles de la centrale thermique qui attendent d'être démantelées ou alors j'imagine la corniche de Casablanca, l'océan et la grande mosquée prête à surgir en miniature au coin de l'œil.»
Nous sommes toujours en quête de trouvailles ou d'inattendu et bien entendu nous aimons explorer en cela les premiers romans. Allô la Place de Nassera Tamer, parution de cette rentrée littéraire 2025, nous a ravi. Insolite dans sa focale, juste dans son ton, ce premier roman aborde les grandes questions de l'identité et des langues qui sont en nous sans jamais trébucher ni tomber ; la narration se fait funambule et avance avec grâce et maîtrise.
Tout dans ce roman nous surprend, à commencer par la passion de la narratrice pour les cyberboutiques et taxiphones, très répandus dans Paris avant la généralisation des smartphones. Ces commerces - boutiques se sont raréfiés mais existent toujours et offrent des produits et services divers et variés en dehors des traditionnels accès à internet, téléphone, photocopieur. Certains assurent des transferts d'argent, d'autres des réparations mais ils peuvent se faire épicerie, vendre des sèche-cheveux, des calculatrices, des décorations de nouvel an chinois, des œufs au plat ou de l'eau de Cologne (5€) et coupe-ongles (1€).
Nous vivons à une époque où les technologies de l'information et de la communication sont hautement évoluées, chaque jour un peu plus avancées. Mais où en sommes-nous en tant qu'individu dans nos capacités de communication ? La narratrice se débat à sa manière avec ces paradoxes entretissés avec son histoire familiale.
ALLÔ la PLACE
Nassera Tamer
éd. Verdier, 2025
Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.