« La mémoire est cruelle. J'ai peu de souvenirs d'enfance avec ma mère. Elle est là. Elle est l'ambiance, elle est le milieu dans lequel j'évolue. Même quand elle n'est pas là, elle est là : elle est dans l'atmosphère de notre appartement, elle est dans le moindre meuble, elle est dans cet espace feutré, tamisé, qui est mon monde. Elle est cet espace. Elle est mon monde. »
Le roman s'ouvre sur le décès de la mère de la narratrice. Elle a été retrouvée chez elle, paisible, sereine et éteinte, assise dans son fauteuil, un livre à la main et une tasse de café, pleine, sur la table basse. Devant l'autre fauteuil faisant face au sien se trouvait aussi une tasse de café remplie. L'autre fauteuil était celui de sa fille. Elle n'y était pas. Ce n'est pas elle qui a découvert la scène la première. C'est Sacha, un ami de la famille. Sacha qui au fil des années est devenu tout comme un membre de la famille.
L'histoire se déroule à partir de ce fil, de cette scène, de ce moment final. Le lecteur lira alors une vie. La vie de la narratrice, la vie de sa mère, la vie de Sacha, la vie tout ce long temps durant. Et l'on va revisiter bien des scènes de la vie de cette famille. On collecte les événements, les moments partagés. Les fidèles lecteurs de Jakuta Alikavazovic retrouveront bien des séquences du film, déjà aperçus et vécus dans ses précédents livres. On est un peu chez soi dans ce roman, à coller les morceaux, à reconstituer un puzzle et à cheminer au côté de la romancière et de son alter ego de fiction, en quête des trous, des blancs, de tout cet essentiel que l'on ne sait pas, que l'on n'a jamais su de la vrai histoire. De l'histoire de ces deux parents originaires de l'ex-Yougoslavie.
AU GRAND JAMAIS
Jakuta Alikavazovic
éd. Gallimard 2025
Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.