« Les murailles étaient encore lilas. Je frottais mes paupières ; je guettais cet instant sublime, fugace, où leur éclairage prenait au pourpre d'une vendange juste avant de s'allumer complètement. Quand les rayons du soleil réchauffaient leur horizon de créneaux et de merlons. Sur la pierre, l'aurore se faisait soudain rousse, riche pour couvrir - sans jamais renoncer à sa délicate transparence - le pelage des fauves qui ornaient cette entrée monumentale. »
Laura Ulonati est écrivaine, agrégée en histoire-géographie et enseignante. En cette rentrée littéraire 2025 paraît son quatrième roman, J'étais roi à Jérusalem, tout simplement magnifique.
Car oui, l'histoire que nous vivons ici se déroule en un flot par lequel on se laisse envahir, envoûter, transporter et fluctuer malgré nous, tel le destin qui ballotte les individus, sensibles et imparfaits. Nos sens nous guident, et nous maintiennent à la surface : les senteurs et les saveurs, les mets culinaires, l'ivresse trouvée dans l'arak ou dans l'amour font palpiter de concert notre palais et notre cœur. Sans oublier les citations de chants, de poèmes ou d'extraits de l'Ecclésiaste dont est issu le titre J'étais roi à Jérusalem.
On apprend tant de choses dans ce livre, que l'on savait mais que l'on avait oublié. Le rôle que les Britanniques ont joué dans ce qui fera la meurtrissure et le malheur d'une région. Leur diplomatie politique étrange, fidèle aux recettes du colon, du conquistador. Leur savoir-faire pour découper en parts un gâteau qu'ils estiment le leur, de diviser, de régner et pour cela de faire régner le désordre. On comprend aussi les événements par l'intérieur, par le changement survenu dans la ville de Jérusalem, ses rues, ses quartiers rasés, son cœur palpitant déplacé, dépecé.
Oui, ce roman est une musique sublime qui dit la tragédie et célèbre l'humain, livre avec subtilité les ingrédients qui composent le secret de l'humanité et que nous oublions jour après jour.
J'ÉTAIS ROI À JÉRUSALEM
Laura Ulonati
éd. Actes Sud, 2025
Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.