Le Duc, de Matteo Melchiorre

« Les soirs où le crépuscule s'embrasait d'une intensité de flamme, Maria marchait vite. Elle riait. elle nourrissait des pensées grandioses et des enthousiasmes sans limites. Elle s'arrêtait pour regarder le soleil en feu, l'incendie des nuages et du ciel (...). Et quand le ciel au contraire était de cendre blême, l'ombre tombait en Maria. Ses yeux prenaient une tonalité de pluie (...) l'humeur devenait nocturne. »

Le journal Corriere della Serra a présenté ce livre comme « un roman extraordinaire qui frappe par son élégance ». Et en effet, Le Duc de Matteo Melchiorre, premier roman de l'auteur italien à être traduit et publié en français, nous remet en mémoire le sens de l'élégance, par son style, par ses personnages, par le déroulement de l'histoire et la structure narrative savamment conçus. Une histoire régionale qui nous touche par l'universalité de la question qui s'y trame : sommes-nous autre chose que le récipient d'un héritage familial...

Le roman nous plonge dans une douce vie menée par le personnage principal. Descendant d'une lignée aristocratique, un jeune homme s'est retrouvé orphelin dans sa vingtaine. Ayant vendu le Palais, bâtisse familiale située en ville, il a décidé de vivre une existence tranquille dans leur demeure retirée de la montagne. Il se promène, il jardine, il fait des réparations dans la maison. Le reste du temps il se perd dans les écrits multi-centenaires qui remontent les traces des illustres ou terrifiants membres de sa famille. Le village semble avoir adopté l'homme désormais surnommé le Duc, jusqu'au jour le maire, puissante et influente figure locale, entreprend de ronger les bois du Duc et prétendre à une partie de ses terres. De fil en aiguille notre jeune homme paisible et indolent se prendra dans les mailles du filet et le combat sera alors ouvertement déclaré entre les deux hommes. La farouche et séduisante petite-fille du maire fait son apparition dans le village au même moment et ajoute malgré elle sa pincée de sel.

L'atmosphère de ce village est merveilleusement mise en scène, la position des habitants du lieu  progressivement mise en lumière. Car chacun devra choisir son camp, à l'ancienne, tout comme obéissant à un clan ou se soumettant à un protecteur. L'histoire ancienne du lieu n'est jamais bien loin du présent : le moindre souffle peut éteindre la chandelle d'un vivre ensemble doux, et produire des incendies irréversibles. Jusqu'où iront les uns et les autres, quelles sont leurs motivations, et pourquoi ce tranquille jeune homme, le Duc, accepte-t-il de s'échauffer ainsi en prise avec cette ridicule guerre de pouvoir.
Le roman est porté à un rythme miraculeux : si l'histoire est haletante et contient bien des rebondissements, l'écriture est calme, de ce pas nonchalant où l'on marche dans la nature en ne faisant plus qu'un avec cette terre, ses arbres, ses monts et ses failles. Le Duc est une lecture délectable et assurément dotée d'élégance et d'intelligence.

LE DUC
(Il Duca)
Matteo Melchiorre
Traduit de l'italien par Anne Echenoz et Serge Quadruppani

éd. Métailié 2025

Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.

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