Bâtard, de Carnby Kim et Youngchan Hwang

Malgré son titre agressif et surprenant, ne fuyez pas en parcourant cette chronique ! Même si, comme le personnage de Jin, ce sera très tentant au fil de votre lecture de ce manhwa (manga étant le terme pour désigner la bande dessinée japonaise, un manhwa concerne celle venue de Corée).
Les bandes dessinées, mangas et autres comics sont ma petite  gourmandise, ce vers quoi je me tourne quand j'ai besoin de lire, sans trop vraiment savoir quoi. Quand je veux admirer des dessins, des couleurs, autant qu'une intrigue passionnante et ciselée. Et si cela peut parler d'une histoire sombre et glauque à souhait, c'est parfait.
Sans prendre le temps de définir tous les styles de classifications de la bande dessinées asiatique, Bâtard peut être placé dans celle des Seinen, c'est à dire celle regroupant des histoires mâtures, destinées à un public de jeunes adultes comme le serait Berserk, Gunnm, Death Note ou encore Monster. Alors, qu'est-ce qui se cache derrière ce titre si énigmatique et pourtant si prometteur ?

« Bizarrement, personne ne suspecte un homme de meurtre s'il est accompagné d'un enfant."

Pour parler d'abord de son format, Bâtard est avant tout un webtoon, c'est à dire un manhwa publié sur internet. C'est la maison d'édition Ki-oon qui a créée sa nouvelle collection, intitulée "Toon" et qui s'est lancée dans la publication de ce style de BD ayant eu un grand succès en ligne.
Nous découvrons Jin, un jeune  lycéen particulièrement gringalet pour son âge, solitaire, et ayant plusieurs gros problèmes de santé. Sans aucun ami, incapable même de savoir réellement ce que ce terme signifie, Jin est le souffre douleur de certains de ses camarades. A l'inverse, on découvre son père, homme fortuné, PDG d'une des plus grandes entreprises du pays, avenant et serviable. Pourtant, derrière cette facette d'homme toujours près à éviter les conflits et à aider son prochain, se cache un homme froid et cruel, un tueur en série manipulateur qui a fait de son fils son complice.

L'adolescent, qui vit dans la peur du monstre, est contraint d'aider son père dans ses crimes en lui servant d'appât ou pire, en donnant le premier coup à ses victimes. Toujours des jeunes femmes, ayant des physiques assez similaires ...
Seulement un jour, alors qu'il est envoyé à l'hôpital après une énième agression d'autres lycéens, Jin est sauvé par une nouvelle élève, Gyeon Yun, qui aura le malheur de croiser la route de la bête. Jin n'aura alors plus qu'une idée en tête ; tout faire pour protéger Gyeon de son père, qui devient obsédé par l'idée de faire de l'adolescente sa prochaine victime.

Volontairement laissé dans l'ignorance des choses de la vie par son père (l'amour, l'amitié, la sexualité, la confiance…), Jin est totalement inadapté, ce qui le rend attachant. Pour protéger Gyeon, il va commencer à s'entrainer physiquement,  mais toujours de manière à ce que ça ne se voit pas car si son père venait à le percevoir comme une menace, il ne tarderait pas à le tuer. Sans compter que d'autres personnages feront aussi planer un danger sur les adolescents.

Jin est seul face à son père, qui est admiré par énormément de monde. Sa couverture d'homme parfait, à la limite de la servilité et de la faiblesse, le rend insoupçonnable. De plus, en faisant participer Jin à ses meurtres, il se sert de la menace d'une condamnation commune pour garder son fils sous son emprise.
L'atmosphère est très pesante, accentuée par les couleurs sombres. Tout peut basculer très vite, ce qui rend Bâtard extrêmement addictif. Les dessins, très cartoonesques, parviennent parfaitement à transmettre la folie du père lorsqu'il montre son vrai visage.
Je n'en révèlerai pas plus. Si vous aimez les thrillers psychologiques, où chaque personnage semble avoir un coup d'avance sur l'autre, mais avec également de l'émotion, des questionnements sur l'âme humaine, et surtout une histoire réussie du début à la fin, Bâtard est fait pour vous.

BATARD
Dessin : HWANG Youngchan
Scénario : CARNBY Kim
éd. Ki-Oon, 2020 (2014/2016) en Corée, série terminée, 5 tomes
Adaptation graphique : Clair Obscur

La photographie en tête de l'article est d'© Amalia Luciani pour Kimamori.

Article d'Amalia Luciani

Historienne de formation, elle est enseignante, photographe et nouvelliste. Elle a été journaliste en freelance.
Responsable de la rubrique Littérature de l'Imaginaire, elle gère le compte et les communications Instagram. Elle est également l'experte polar de Kimamori.

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