La Liberté est dans la démarche

Un Homme s’appartient-il ? Peut-il sortir de la servitude ? Et qu’est-ce donc être Libre ? Voilà de bien grandes questions. Pour aborder ces thèmes il suffit peut-être de se pencher sur la réalité de l’esclavage stricto sensu. D’ailleurs pour comprendre la direction que prennent les événements politiques actuels aux Etats-Unis il n’est pas inintéressant de se plonger dans le passé de ce pays, et de regarder à la loupe ce qui s’y vivait du temps des plantations de coton… C’est cela qu’a décidé de faire Colson Whitehead et grand bien l’en prit puisque sous sa plume prit naissance ainsi un livre excellent qui vient de remporter le plus beau prix littéraire américain, le National Book Award 2016 et le Prix Pulitzer 2017 dans la catégorie fiction.

Le rideau se lève en Géorgie où Cora, jeune esclave noire âgée de dix-huit ans s’échine dans une plantation de coton et s’applique à contrer les cruautés de la vie quotidienne infligées par les régisseurs et patrons, relayées par les esclaves entre eux. Céline RoussinSa mère a fui et n’a jamais été retrouvée et rapatriée, sa grand-mère, elle, était née en Afrique avant de se laisser prendre dans les filets de l’homme blanc. Jeune femme de caractère et déterminée à ne laisser personne briser son âme, elle fait une rencontre qui modifiera à jamais le cours de sa vie. On lui propose de fuir par la voie de la ligne de chemin de fer souterraine creusée dans les sous-sols des terres américaines et destinée à mener ses semblables vers la liberté, dans un autre Etat, dans un ailleurs difficile à imaginer. S’engage alors une aventure aux mille rebondissements où notre jeune Cora vogue d’un Etat américain à un autre, rencontre obstacle et déboires mais se transforme à chaque pas et s’approche parfois dangereusement de la saveur de ce que l’on nomme Liberté.

Ce livre nous éclaire sur tant de choses que je ne saurais les décrire toutes. J’en ai retenu tout d’abord que les Etats-Unis ce n’est pas un pays mais 50 Etats fondamentalement différents les uns des autres de par leur Histoire, leurs lois, leur esprit et leur atmosphère. Clementine HunterJ’en ai retenu que les migrants et les esclaves noirs importés constituent le peuple américain si peu uniforme. J’en ai retenu que tout est permis dans ces contrées et que l’homme blanc y a établi sa suprématie à force d’exactions terrifiantes. Mais j’en ai retenu aussi que l’esprit de justice et d’entraide, le désir de liberté et de solidarité, la soif d’instruction et d’élévation morale sont choses universelles qui naissent et s’imposent toujours telle une plante incongrue s’érigeant au coeur du désert.

Récit empreint à la fois de tendre et d’astringent, de doux et d’amer, il ne manquera pas de happer son lecteur et de l’emporter dans les courants tortueux que représente toute quête de liberté. Colson Whitehead a un style, bien que l’écriture paraisse étrangement simple. Meike AtonLes chapitres sont joliment structurés, et en fin de chaque partie majeure de l’histoire il nous offre une révélation : voyez ce personnage dont nous avons parlé plus avant, je vais vous révéler d’où il vient, et je vais vous dire quel fut son destin. Eh oui, si l’on regarde d’où viennent les choses on comprend bien la direction qu’elles vont prendre. Ainsi en est-il de l’Amérique, mais aussi de l’humanité toute entière.

Le livre est en cours de traduction et paraîtra le 23 août dans sa version française. Pour ceux d’entre vous qui lisent l’anglais, n’hésitez pas à vous l’offrir et à savourer son imperceptible parfum de vérité humaine. Pour ma part j’en fus enchantée.

UNDERGROUND RAILROAD
Colson Whitehead
traduit par Serge Chauvin
Ed. Albin Michel, 2017 (v.o. 2016)
National Book Award 2016
Prix Pulitzer 2017
Retenu dans la 1ère sélection du Man Booker Prize 2017

Les illustrations présentées dans l’article sont l’oeuvre de (par ordre d’apparition) :
– Céline Roussin,
– Clementine Hunter,
– Meike Aton

 

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