Si Rome meurt, de Renaud Rodier

« Le barbone ressert encore un peu plus son étreinte. Cette fois, il pèse ses mots. " Un clodo n'est qu'une particule invisible à l'œil nu, à l'échelle d'une ville. Cela ne t'a pas empêché de me détecter et de m'aimer, n'est-ce pas ? Peut-être n'a-t-on pas besoin d'être perceptible pour être présent." »

Renaud Rodier témoigne d'un long parcours dans l'humanité qui l'a conduit en Afrique, en Asie, en Amérique Latine. Auteur d'un premier roman très remarqué en 2024, il nous revient avec Si Rome meurt en cette rentrée littéraire 2025 qui séduira le lecteur par son regard tant enjoué et aérien que sa force ancrage dans la réalité sociale.

Le roman s'ouvre sur une soirée de septembre à Rome. Trois jeunes gens, amis de longue date, se retrouvent pour fêter l'anniversaire de Pietro dans un rituel qui leur est propre. Pietro a dix-huit ans ce soir-là et se projette un avenir de cinéaste. Caméra à la main il sillonne des places mythiques de la ville en compagnie de ses compagnons. Ils sont drôles, ils sont heureux. Devant la fontaine de l'Acqua ils vivent une curieuse scène où un clochard viendra les aborder avant de disparaître. Progressivement on va mieux connaître chacun des trois amis et découvrir la vie, le passé de Pietro dont le père, un grand scientifique a disparu depuis dix ans.

Le fil principal de l'histoire est la rencontre et la relation qui va se tisser entre le jeune homme et le clochard excentrique qui pourrait être le père évaporé. Mais au travers des étranges aventures qui permettent à Pietro de retrouver cet inconnu et de suivre sa destinée une autre histoire se raconte : celle de Rome, d'hier et d'aujourd'hui, celle de la pauvreté, des hommes et des femmes qui se sont retrouvés en marge de la société, mis à l'écart, oubliés. Une humanité de la rue, des centres sociaux, des campements sauvages étincelle alors sous nos yeux.
Or, si la réalité sociale mise à nu est poignante et effarante, le livre garde toujours sa légèreté, sa musique de la langue et des langues, réhaussée de mille scènes et références poétiques et cinématographiques. Deux Romes se superposent, la ville scintillante émanant de l'Art, et l'autre, accablée par les politiques économiques actuelles, impactée plus amplement par l'arrivée au pouvoir de Georgia Meloni. Tout ce temps Pietro travaille à la docufiction qu'il veut réaliser, élément essentiel pour son entrée rêvée dans l'école de cinéma qu'il convoite depuis toujours.

Si Rome meurt est un merveilleux roman, au rythme savamment porté, à la langue maîtrisée et enchanteresse sans compter son inventivité et sa profonde humanité.

SI ROME MEURT
Renaud Rodier
éd. Anne Carrière, 2025

Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.

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