Zita, d’Olivier Hercend

Être femme, ou vivre sa passion ?

Ah! Quel excellent premier roman que Zita du jeune universitaire Olivier Hercend. Un parcours de femme, le feu d'une passion, l'Italie de l'entre-deux guerres, se tiennent la main pour transporter le lecteur. J'ai trouvé le livre beau, et surtout je l'ai trouvé très juste dans sa manière de traiter les sujets qu'il met en lumière. Et bien-sûr, je me suis empressée de l'intégrer dans mes recommandations du Book club thématique consacré à La Femme en ce mois de mars 2021 !

Nous sommes dans la campagne italienne. La petite ville qui nous accueille a son notaire, a son auberge. Zita est domestique chez le notaire, ses parents tiennent l'auberge. Les notaires se sont transmis la charge du métier de père en fils, ainsi que leur maison. Monsieur Leone en est l'héritier. Célibataire, il est revenu de la première guerre mondiale accidenté et contraint de vivre le restant de ses jours dans une chaise roulante. Déterminé, souvent sombre, on sait de lui qu'il a une passion : les courses automobiles, lui-même ayant été pilote de course avant la guerre. Et il ne peut se résoudre à vendre sa voiture. Son chauffeur, garagiste et homme à tout faire Emiliano, vient chez lui tous les jours pour bichonner la voiture, et la faire tourner. Le hasard voudra que la bonne, Zita, apprenne à conduire, par le garagiste. Le notaire finira par le découvrir, et pressentant le don de Zita pour ce sport, il l'enverra sur les routes, en compagnie d'Emiliano, se mesurant ainsi aux pilotes de course de toutes régions en Italie.

Précisons maintenant que nous sommes en 1922, en Italie. La place de la femme est à la maison, son rôle est limité à celui d'épouse et de mère. La famille de Zita, son entourage, les habitants de sa petite ville, la déclarent perdue en découvrant qu'elle va se lancer dans un tel périple. Humiliée, bafouée, vue comme une fille de rien, notre Zita ne baisse pourtant pas les bras, à aucun moment. Et le lecteur apprendra à regarder cette Italie. Voir sa mafia et sa racaille, son machisme et son culte du fascisme à venir. Car oui, les chemises noires sont déjà là, et leurs agissements fracassants. Le tumulte de la conduite, le suspense des scènes de course, les vibrations et la poussière avalées par les pilotes sont une autre manière de nous projeter dans la suite de l'Histoire.

Si l'Histoire est mise en lumière, une belle histoire est racontée. Plus que tout, j'ai aimé la figure de femme représentée par Zita. Fidèle à son temps, fidèle à elle-même, elle restera bien incomprise. De nos jours nous avons tant l'habitude de lire des figures de femme fortes, convaincantes, battantes, que nous en oublions le sens d'une force vraie. Et Zita en est une parfaite illustration. Réservée, effacée, on ne l'entend pas. Elle subit tout mais ne se révolte pas. Pourquoi ?!
Elle est portée par sa passion. Dès l'instant où elle s'installe dans l'automobile, qu'elle se lance dans la conduite, un univers insoupçonné d'elle l'accueille. Comment expliquer ce qu'elle ressent, ce qu'elle vit. Parce qu'elle est une grande pilote automobile. Elle a cela en elle, et elle est déterminée à vivre cette chose. Car sans cela, le reste dans la vie, le restant de la vie, est sans saveur. L'écrivain Olivier Hercend parvient à nous dire tout de ce personnage, et la laisse s'exprimer pleinement, en ne mettant jamais un seul traître mot dans sa bouche, pourtant. Qu'a-t-on besoin de dire, à ceux, nombreux, qui regardent, jugent, maltraitent ou prennent en pitié. Seul celui qui a vécu la même chose, qui a expérimenté la joie immense et incommensurable qu'offre l'expression de soi pourra comprendre. Cette femme au triste destin, a exercé sa liberté. De nos jours on appellerait cela l'épanouissement peut-être. Elle se caractérise par une force intérieure, et une exaltation tout aussi intérieure !

J'ai aimé ce livre et ses personnages. La scène qui clôt le récit est sublime. Encore une fois, l'auteur sait faire parler le silence de ses personnages. Et pour la lectrice que je suis, ce talent ne peut qu'être qualifié de remarquable, de sensé, et de sensible.

ZITA
Olivier Hercend
éd. Albin Michel 2021

Les illustrations présentées dans l'article sont les œuvres de :
- Louis de Schryver,
- Bram van Velde.

Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.

Leave a Comment