N’avoir pas ce que l’on aime

lemuséedel'innocenceQuels objets peut-on collectionner et exposer dans un musée de l’innocence ?! Ceux-là mêmes qui sont si anodins qu’ils en deviennent extrêmement significatifs, peut-être, surtout lorsque le collectionneur est un cleptomane des instants de vie d’un passé, chargés de bonheur… Moi qui étais en mal de littérature, fus-je consolée et aimablement remise d’aplomb par les soins de notre Orhan Pamuk qui patiemment m’a prise par la main, lecteur ignare en la matière, pour me faire visiter les entrailles de la société turque ! Et de quelle société parlons-nous ? De la jet-set bien-sûr, de ce beau monde très occidentalisé et bercé par la réussite et la gloire. Un monde très beau, très propre et très comme il faut.

musée de l'innoc 3Très en douceur, au ralenti presque et d’un tracé discret une fracture terrible va s’esquisser sous nos yeux et inévitablement les traits en seront épaissis et noircis au fil des jours et des pages de ce livre qui s’écoule, et de cette vie qui défait notre gentil narrateur, très gentil très innocent très amoureux et très lâche…

En parfaite étude des mœurs le roman analyse l’écart terrible se creusant entre le modernisme qui s’affiche et le traditionalisme millénaire qui régit cette société. Le lecteur ne cessera de s’y frôler à chaque phrase et à chaque page, telles les vagues de l’océan qui n’ont de cesse de revenir se heurter aux rochers et caresser les étendues sableuses d’une plage ! Nous sommes portés par ce rythme de va et vient quasi imperceptible tant l’écriture chemine avec lenteur et nonchalance.

musée de l'innoc 4Dès le premier chapitre j’eus le sentiment de retrouver ici mes anciens amours proustiens, et je n’eus point de surprise de voir comme je me laissais énamourer de cette lecture si turque et si peu turque à la fois ! Sous l’insouciance et la légèreté apparentes nous percevons de la lourdeur et du tragique. Du chagrin et de la nostalgie nous recevons mille pointes d’humour et de grotesque ! Depuis « Mon nom est rouge » je ne m’étais pas replongée dans d’autres Pamuk, que je feuilletai pourtant régulièrement dans les librairies. Je suis bien ravie de m’être réservée pour ce Musée de l’Innocence qui m’a absolument enchantée.

Les amateurs de grands romans romanesques tel Orgueil et Préjudice de Jane Austen aimeront probablement ce livre qui est avant tout une histoire d’amour et de déchirement du narrateur qui aime éperdument celle qu’il ne peut épouser…

LE MUSÉE DE L’INNOCENCE
Orhan Pamuk
Prix Nobel de littérature 2006
Éd. Gallimard, 20011 (v.o. 2008)
Traduit du turc par Valérie Gay-Aksoy
Prix Médicis étranger 2015

Et voici quelques photos du musée de l’Innocence qui désormais existe bel et bien à Istanbul, les photos insérées dans cet article en sont la preuve!

musée de l'innoc 1      musée de l'innoc 2

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