Le réalisateur John Ford

En ces temps de mort cérébrale de l'exploitation cinématographique, de paralysie des spectateurs amoureux des salles et de régressions de toutes sortes, il est indispensable de remonter à grands coups de nageoires vers la lumière. Pour un cinéphile, la lumière est donnée par tout réalisateur qui a allumé la flamme un beau jour et fait naître un amour.

Parmi les grands artificiers se trouve John Ford, capable de susciter dans un seul mouvement émotion et intelligence, au sein de films qui nous rendent meilleurs : Les raisins de la Colère (The grapes of Wrath), La poursuite infernale (My darling Clémentine) , les Sacrifiés (They Were expendable), la prisonnière du désert (The Searchers), l'homme qui tua Liberty Valance (The man who shot Liberty Valance)...
Cas exceptionnel dans l'histoire du cinéma, la carrière de John Ford couvre une période immense, des débuts du muet à 1967, année de son dernier film Seven Women. Entre ces deux extrémités une carrière bien remplie, attachée à décrire la construction des États-Unis et son basculement dans la modernité, surtout médiatique.

Comme aujourd'hui John Ford est un peu oublié, c'est avec un grand bonheur que nous apprenons la sortie récente d'une belle édition vidéo (Sidonis-Calysta) d'un de ses grands film méconnus, La dernière Fanfare (The Last Hurrah), de 1958.

Le film raconte la dernière campagne électorale de Frank Skeffington (Spencer Tracy dans l'un de ses grands rôles), maire d'une petite ville de Nouvelle Angleterre depuis plusieurs mandats. Il est opposé à un grand dadais qui a l'appui de certains notables et de la télévision. Cette alliance va s'avérer gagnante puisque Frank Skeffington, le politique à l'ancienne, rusé et humain, ne peut rien contre les puissants qui méprisent ses origines, et contre une télévision qui méprise l'intelligence. La défaite va frapper de stupeur Frank et son entourage, et le vieil homme politique n'aura plus qu'à rentrer chez lui, dans sa trop grande maison hantée par le souvenir de la femme aimée et visitée par intermittence pas un fils inconséquent.

Mais La dernière Fanfare n'est pas que l'histoire d'une défaite électorale, c'est également le portrait d'une Amérique qui bascule dans l'ère des médias : c'est comme si l'on passait à l'intérieur d'un même pays d'une civilisation des pionniers à celle des hommes décérébrés. Toutefois, le film a beau être mélancolique quant aux choses irrémédiablement perdues et assez sombre dans sa prédiction de lendemains pénibles, il n'en est pas moins un bijou d'humour et d'émotion, car comme le soulignait John Ford lui-même : « Les films dont les gens se souviennent longtemps (...) sont les histoires généreuses qui parlent de gens ressentant des émotions vitales ».

LA DERNIERE FANFARE
Réalisateur : John Ford
Date de première sortie : 1952
Pays : États-Unis
Genre : Comédie dramatique
Durée : 93min
DVD 2020 : édition Sidonis/Calysta

L'auteur de cet article est Thierry Dorangeon.
Il est programmateur au cinéma Galaxy (région de Porto-Vecchio en Corse 20137, Lecci) et président de l'association Cinémotion.

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