Intempérie, de Jesus Carrasco

J’avais lu cette formule un jour : « est-ce la volonté qui mène au but, ou le but qui donne la volonté? ». Je n’ai toujours pas la réponse, mais dans ce livre la question est merveilleusement traitée. Jesus Carrasco est un jeune écrivain espagnol. Intempérie est son premier roman, traduit dans une vingtaine de langues. Son deuxième roman « La Terre que nous foulons » est aussi désormais disponible en français chez Robert Laffont. C’est un libraire qui m’a fait connaître ce livre, et cet écrivain. C’est une nouvelle voix que je ne regrette pas d’avoir découvert. Intempérie explore une histoire mille fois visitée. Tout le récit tourne autour de deux personnages, de leur rencontre : un homme âgé et un jeune garçon. Ils font un bout de chemin ensemble. Chacun s’enrichit au contact de l’autre. Eh oui, l’histoire est simple, et pourtant on ne peut lâcher le livre tant l’écriture est puissante, le récit fluide et bien construit. Le tout est extrêmement vivant, bien que le texte soit très écrit, ponctué de très peu de dialogues.

Un enfant fugue de son village. Il rencontre un berger. Et leur aventure commune, leur amitié incongrue, constitue ce livre.

Tout au long du roman nous suivons un jeune garçon, dont on ne connaîtra ni l’âge ni même le prénom. Il fuit son village, à tout prix. Et on ne sait pour quelle raison, un long temps. Son chemin croise très vite celui d’un berger, dont on ne connaîtra ni le nom ni l’histoire. Mais tout cela importe peu. Parce que ces deux personnages sont si parfaitement dessinés, montrés, croqués par la plume de l’auteur, et tout cela par des moyens dont seul dispose un authentique écrivain, que l’histoire nous transporte et nous livre son message.

Le jeune garçon fuit le mal. A la fin du récit on se demande si ce n’est pas un mal ressemblant que le berger a fui sa vie durant. Et cela expliquerait que le berger décide d’aider ce jeune garçon, à tout prix. Le jeune garçon apprend tout du berger ; même s’il ne baisse sa garde qu’à un stade avancé du récit. Car le garçon se méfie de tout et de tous. Cela lui donne une force incommensurable. Cette même force habite le vieil homme. A eux deux, ils sont invincibles !

J’ai envie de vous restituer un très bref extrait du récif, un de ces rares moments où l’écrivain nous offre un dialogue !

– Il va falloir que tu ailles chercher de l’eau tout seul.
– Je ne sais pas où il y en a.
– Je te le dirai.
– J’ai peur.
– Tu es un garçon très courageux.
– Non, je ne le suis pas.
– Tu es arrivé jusqu’ici.
– Parce que vous étiez là.
– Parce que tu as de la volonté.
Le garçon ne sut quoi répondre.
– Tu as vu la couronne que porte le Christ, là-haut?
– Oui, elle a trois pointes.
– On les appelle des puissances. L’une est la mémoire, l’autre l’entendement et la troisième la volonté.
L’enfant leva les yeux. Au sommet du mur, le créateur découpait une silhouette noire laissant deviner la tunique, les mains et la couronne. Ce que le vieux venait de lui raconter émerveilla le garçon, qui laissa ses tourments s’évader un moment.– Le Christ a souffert, lui aussi.
– Moi je ne veux plus souffrir davantage.
– Alors nous resterons ici et nous mourrons de soif. Tu cesseras rapidement de souffrir.

Je ne sais quoi vous dire de plus sur ce livre ! Je vous invite à le lire.

Signalons que le livre a été adapté par Javi Rey en Album BD, paru chez Dupuis en juin 2017.

INTEMPERIE
Jesus Carrasco
Traduit de l’espagnol par Marie Vila Casas
éditions Robert Laffont 2015 (v.o. Seix Barral 2013)