Mes désirs futiles, de Bernardo Zannoni

« Tel est mon dernier désir futile : fuir, comme tout le monde, échapper à l'inévitable. Si Klaus devait revenir, qu'il donne mon corps à la terre, ou au fleuve. Qu'il me restitue aux autres, comme un vrai animal, parce que c'est ce que je suis. »

Lorsqu'on s'embarque dans un livre proposé par Quai Voltaire, collection des éditions La Table Ronde, on sait d'avance que le voyage sera beau ; la surprise nous ravit toujours, la qualité littéraire nous enlace sereinement. Ici, avec le roman du jeune écrivain italien Bernardo Zannoni, nous allons devenir fouine ! Et vivrons une vie de petite bête à l'instinct bestial qui est déchiré entre son animalité et une grandeur d'Homme qui s'offre à lui. Roman tendre, drôle et bercé de lucidité, Mes désirs futiles est un petit traité de sagesse et d'acceptations de vérités au goût âpre qui s'interroge sur le sens de l'amour avec un petit a et un grand A.

Archy est un jeune fouine. Il vit dans la tanière qu'il partage avec sa mère et ses frères et sœurs. Leur mère trime pour élever ses enfants seule, écume sa rage du père indigne et absent. Très vite le frère aîné , Leroy, se fera robuste et saura se rendre utile car il saura chasser et nourrir les autres. Archy, secrètement envieux, tentera d'en faire de même mais cela lui vaudra un accident qui le rend boiteux à vie. Dès lors la mère le vend au prêteur à gage Solomon, vieux renard rusé, pour un poulet et demi. Nous suivrons alors les bonheurs et déboires d'Archy, qui rumine ses bons souvenirs passés dont ses brefs amours avec sa sœur Louise, et accepte sa vie présente qui, contre toute attente, se trouvera enrichie de l'art de l'écriture et de la lecture.

Le vieux Solomon au passé douteux a un trésor en sa demeure : une Bible. Un beau jour il a été foudroyé par la foi et à partir de là, jusque son dernier souffle, il croira en Dieu. Il cherchera à déchiffrer le monde de l'homme au point de se sentir homme, puisque le paradis leur est réservé et qu'il se pense destiné à y accéder. Car la grande révélation s'est livrée à lui – et il la transmettra à son apprenti – chacun est voué à mourir. Sachant cela, ni Solomon, ni Archy à sa suite, ne pourront se défaire du trouble que ce savoir leur cause. Chacun tentera d'y trouver remède à sa manière.

Le livre de Bernardo Zannoni nous entraîne dans bien des aventures, des amours et des vies de famille, de richesse ou de pauvreté. Chien, lynx, fouines, porcs-épics, sangliers, castor et bien d'autres animaux se mêleront des périples encourus et affrontés.
Mais Mes désirs futiles est aussi un livre sur l'écriture, sa grâce, ses affres, et la libération qu'elle offre à l'âme.

Écrire le roman de sa vie, le transmettre pour que d'autres puissent y lire beauté et horreur, y déchiffrer le sens de l'Amour ou de l'humanité, voilà ce qui porte en trame de fond le récit et ravit le lecteur, la lectrice que nous sommes. On dévore le roman, mais avec calme et douceur puisqu'il est initiatique ; on pousse quelque soupir, on sourit de la drôlerie qui jalonne le texte, on s'effare des travers de notre narrateur. Et l'on admire en fin de récit le jeune écrivain italien Bernardo Zannoni et son excellent premier roman qui a remporté bien des prix littéraires prestigieux en Italie à sa sortie.

MES DÉSIRS FUTILES
(I miei stupidi intenti)
Bernardo Zannoni
Traduit de l'italien par Romane Lafore
éd. La Table Ronde – Quai Voltaire (2023, v.o. 2021)
Prix Bagutta du premier roman 2022
Prix Salerno 2022
Prix Campiello 2022

 

Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.

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