Quat’ saisons, d’Antoine Blondin

Coloré, fruité, acide, sucré-salé !

Orfèvre de la langue française, Antoine Blondin n'a pas son pareil pour croquer l'âme humaine, sans concession mais toujours avec tendresse. Qu'il écrive un roman, des chroniques sportives ou une autofiction, nous retrouvons son style inégalable, sa grâce, et nous l'aimons. Il va sans dire que lorsqu'il s'attaque aux nouvelles, il y excelle. Ce recueil, Quat' saisons, a remporté le Prix Goncourt de la nouvelle à sa sortie en 1975. C'est exquis. C'est drôle.
Réédité dans cette magnifique collection de poche des éditions La Table Ronde en juin 2021, il nous rappelle que l'écrivain nous a quitté depuis trois décennies, et que son œuvre n'a pas pris une ride. Dans mille ans, les quatre saisons de la joie et de la mélancolie seront encore très précisément telles que dessinées ici. Blondin le savait bien !

Douze nouvelles, comme les douze mois de l'année forment Quat' saisons. Mais bien entendu l'écrivain réinvente les cycles à son goût. Nous vivons les saisons à l'envers. Ainsi nous commençons par les fêtes et les équivoques froidures de l'hiver, avant de nous fondre dans les feuilles volantes de l'automne. Arrivera l'été ; laissera place au printemps. Et tout pourra recommencer !
Le recueil compte quatre nouvelles pour L'Hiver, trois pour L'Automne, trois pour L'Été, et deux nouvelles pour Le Printemps qui clôt le recueil. Chacun aura sa propre interprétation de cette disposition des saisons. Tous noteront qu'aucune chronologie ne se mêle de l'ensemble. Et l'auteur nous donne des indices ; nous ne sommes pas dans les quatre saisons d'une même année puisque certains personnages se retrouvent dans le recueil, à des années d'écart.

On ne peut pas dire que les thèmes traités ou les caractéristiques des personnages mis en scène aient un point commun évident. Nombre d'entre ces histoires tournent autour d'artistes, écrivains, ou entourage proche d'artistes et écrivains. Mais ce n'est pas le cas de toutes. Or il n'est pas un personnage qui n'écrive sa vie drôlement, qui ne joue son rôle dans la grande toile du destin avec art ! Quelle comédie humaine que celle que nous offre Antoine Blondin. Rien n'est mis de côté ni voilé, que ce soit bassesses, ridicule et quiproquos, un jour heureux, un jour malheureux. Or la beauté de la vie, et de l'Homme, telle que Blondin nous la retransmet, est dans la douceur avec laquelle la vilénie et l'insensé sont regardés. On connaît l'art céramique du Kintsugi qui célèbre les fêlures de fils d'or. Voilà ce qui court dans les écrits d'Antoine Blondin : ces fils d'or, de partout et chez tous. Lui-même, après tout, était admirable pour ses mille imperfections assumées.

J'aimerais terminer cet article ici, et vous dire simplement lisez-le. Mais j'imagine que vous voulez en savoir un peu plus long. De quoi, de qui parlent ces nouvelles ? Eh bien il en est une qui est construite autour de Constance Mozart, la veuve du grand génie et compositeur. C'est documenté, c'est juste. Mais ciel, que c'est drôle, ou affreux, selon les points de vue. Plusieurs nouvelles moquent délicieusement les prix littéraires, et leurs lauréats. Les amitiés parisiennes d'une artiste déchue sont mises en scène avec grande délicatesse dans une autre nouvelle encore. Mais vous naviguerez aussi dans de l'insolite .. une histoire de petite souris dans une épicerie fine de renom en Angleterre est une de mes préférées peut-être. Même si en réalité elles sont toutes mes préférées !

J'aime lire Antoine Blondin, en toutes saisons et par tous temps. C'est une amie qui me l'a fait connaître un jour, j'en fais de même à mon tour. Et j'espère que nous serons chaque jour plus nombreux à faire sa rencontre et l'aimer ..

Notez que le recueil réédité a été enrichi de six autres nouvelles, en complément des douze originellement réunies dans Quat' saisons.

QUAT'SAISONS
Antoine Blondin
éd. La Table Ronde - collection La petite vermillon, 2021
Prix Goncourt de la nouvelle 1975

L'illustration présentée dans l'article est l'autoportrait de Paula Modersohn-Becker.
La photographie mettant en scène la couverture du livre en tête de l'article est de ©murielarie pour Kimamori.

Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.

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