Remets moi en mémoire…

J’aime de plus en plus lire les écrivains nordiques. Et ce récit du norvégien Bergsveinn Birgisson, tant bref qu’intriguant, est un pur délice. Le narrateur, au travers d’une lettre rédigée dans les derniers jours de l’hiver de sa vie, se remémore le passé et ses amours.

Il est épris de sa vie proche de la nature, du travail à la ferme, mais surtout de ses terres et plus précisément de sa terre natale.

« Je m’assis sur un tas de piquets de clôture près de la bergerie. Je montrai les montagnes tout autour de nous et d’une voix brisée je récitai un quatrain de Sigurdur Breidfjörd :

La terre où l’on a vu le jour
n’est-elle pas chère à notre coeur?
Où la lumière est pleine de vie,
où le petit devient grand. »

Ce grand amour-là, jamais il ne l’a trahi car comment se trahir soi-même ? Et pourtant, la femme aimée autrefois – la mère de son enfant – il n’a su la suivre ; son épouse, meurtrie par une opération chirurgicale, il n’a su satisfaire. Et ses propres désirs, l’appel de son coeur, a-t-il su les reconnaître et les satisfaire davantage ?

Sous cette forme épistolaire, le narrateur fait donc le bilan de sa vie, et révélera in fine les secrets enfouis au plus profond de lui. À ses côtés nous serons navrés de palper enfin l’objet de ses remords.

Le récit est bref, il compte à peine cent cinquante pages, et se savoure lentement. « Une lettre à Helga » fait partie de ces livres que l’on garde dans sa bibliothèque avec tendresse dans l’idée de les relire et d’en tirer alors un éclairage nouveau parce que les choses simples sont toujours les plus difficiles à saisir… Et qu’est-il de plus trivial que l’amour : « La passion qui autrefois me portait à la surface des jours, était à présent une entrave que je me mis à détester, (…) Oui, le vieux refrain populaire, je l’ai vécu, ma chère Helga, et toi aussi peut-être : L’amour le plus ardent est l’amour impossible. Mieux vaut donc n’aimer personne. « 

Philosophie et humour s’entremêlent pour adoucir la note mélancolique omniprésente. « Ainsi la règle m’a paru être que les gens prennent dans la vie le contre-pied de ce qu’ils prônent (…) À croire  que ceux qui parlent de maigrir sont toujours ceux qui sucrent le plus leur crêpes »…

LA LETTRE À HELGA
Bergsveinn Birgisson
Éd. Zulma,  2013 (v.o. 2010)
Traduit du norvégien par Catherine Eyjólfsson 

Tous ceux qui aiment le thème de l’opposition entre la vie citadine et celle rurale, seront heureux de lire ce livre, tout comme  « Le mec de la tombe d’à côté » de Katarina Mazetti et « Les huit montagnes » de Paolo Cognetti.

Comments

  1. Ce livre est en effet un pur bijou, la plus Belle lettre d’Amour (merci aux traducteurs d’islandais – et à Catherine Eyjolfsson en l’occurrence, qui nous donne accès à cette pépite.
    J attends avec impatience le prochain livre de cet auteur islandais.

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