Deux Cents Noirs nus dans la cave, d’Elie Robert-Nicoud

« Personne dans cet amas de corps n'a assez d'ironie pour apprécier la situation. »

Atlanta, octobre 1970.  C'est un grand jour, de ceux qui marquent le sport. Après plus de trois ans à être privé de sa licence suite à son refus de d'aller combattre au Vietnam, et déchu de son titre de champion (comme je vous l'avais déjà raconté plus en détails dans ma chronique sur Le Combat du siècle), Mohamed Ali enfile à nouveau les gants. Ça n'a pas été facile de décider où devait avoir lieu ce combat, non pas par coquetterie, mais parce que personne n'acceptait de l'accueillir.
Ce combat, cette "victoire sociale" comme le nommera Ali lui-même, est bien plus  qu'un retour aux sources. C'est une revanche, et c'est Jerry Quarry, Irish Jerry Quarry - il est bien américain - qui en fera les frais. Comme je l'ai souvent écrit, je suis une passionnée de sports de combat. Forcément, je ne pouvais passer à côté de cette sortie aux éditions Rivages, au titre si singulier. Oui, autant vous le dire, si vous comptez le lire dans un lieu public, attendez-vous à quelques questions !
Elie Robert-Nicoud raconte, à un rythme effréné,  ce combat mythique consécutivement à un braquage digne des meilleurs polars.

« Et il y a la douleur trop dure à supporter, qui modifie encore le temps ; le crochet au foie, ce fourmillement atroce. On ne doit pas le ressentir plus de neuf secondes, on n'a pas le droit de se dire pendant plus de neuf secondes que l'on a mal et neuf secondes passent alors comme une fraction de seconde".

L'auteur nous décrit le combat comme si l'on y était, aussi bien sur le ring que dans les coulisses, et surtout dans les gradins ! Il faut dire qu'il y a du beau monde, autant du côté de la pègre locale que des célébrités internationales : Bill Cosby, Diana Ross, des joueurs de baseball, de football américain, ou encore la veuve de Martin Luther King, entre autres figures célèbres.
On rentre dans les détails, avec une précision d'horloger et un lexique de spécialiste. Un travail de recherche immense a été mené sur les personnages, tous réels, et leur histoire où dès lors tout se suit et se comprend sans problème. Elie Robert-Nicoud fait un beau travail de vulgarisation du monde de la boxe et de ce combat mythique, mais surtout d'une période très tendue de l'histoire américaine.

Mais, comme je vous le disais précédemment, un grand nombre de truands est aussi présent dans les tribunes. Parés de leurs plus beaux bijoux, chaines, montres en or et autres liasses de billets dépassant des poches ...
L'occasion est trop belle pour se priver de réaliser l'un des braquage les plus ahurissant de l'histoire. Une grande soirée est prévue à la fin du match, dans une résidence de la ville. Forcément, dealers, proxénètes et autres truands sont invités, et c'est là que le piège se referme sur eux. Ce soir-là, alors que le monde entier a encore les yeux rivés sur le combat, la suite de la soirée promet d'être aussi mémorable.

« La sœur de Jerry, Dianna, affirme que c'est l'homme de coin, Teddy Bentham, qui est responsable, que c'est lui qui a coupé la boursouflure au-dessus de l'œil de son boxeur avec une pièce d'un dollar aiguisée. Ca se fait quand le boxeur a l'œil tellement gonflé qu'il ne peut plus voir. Parfois même on utilise une lame de rasoir. »

Près de deux cents gangsters noirs sont braqués cette nuit là, eux qui avaient été appâtés par l'appel d'une soirée de paris illégaux. Ils sont déshabillés, et entassés dans la cave de la villa pendant de longues heures, menacés par des hommes masqués et armés. "Entassés les uns sur les autres comme des carcasses à l'abattoir" pour rentabiliser l'espace de la cave, on les dépouille de leur argent, leurs manteaux en vison et bijoux, de tout ce qui a de la valeur. Ils finiront par se rhabiller et quitter les lieux, vers 3 heures du matin,  chacun évitant probablement le regard des autres malchanceux …

À partir de ce moment, des assassinats sont commis en représailles de l'humiliation, mais aucun coupable convaincant ne semble être trouvé. Ni par la police, ni par les mafieux d'ailleurs.
Tout le déroulé de cette histoire est passionnant, surtout en sachant que tout est absolument vrai. L'auteur prend bien soin de signaler la part d'imaginaire, ou plutôt les spéculations et les déductions que l'on peut faire au vu des différents éléments. 
Le livre se dévore, d'une traite. L'auteur est un vrai passionné, qui sait partager son intérêt pour le noble art avec beaucoup de simplicité.

DEUX CENTS NOIRS NUS DANS LA CAVE
Elie Robert-Nicoud
éd. Rivages, 2022

La photographie en tête de l'article est d'© Amalia Luciani pour Kimamori.

Article d'Amalia Luciani

Historienne de formation, elle est enseignante, photographe et nouvelliste. Elle a été journaliste en freelance.
Responsable de la rubrique Littérature de l'Imaginaire, elle gère le compte et les communications Instagram. Elle est également l'experte polar de Kimamori.

Leave a Comment