Libres d’obéir, de Johann Chapoutot

Une école de management ?

Libres d'obéir de Johann Chapoutot a été très médiatisé à sa sortie en janvier. C'est un court essai historique qui se lit bien. J'avais envie de lire Chapoutot depuis une douzaine d'années. Jonathan Littell s'y réfère beaucoup, pas seulement dans Les bienveillantes mais surtout dans Le sec et l'humide. Olivier Guez aussi, dans son roman hallucinant La disparition de Josef Mengele, avait signalé Chapoutot dans sa documentation.

Cet essai fut donc pour moi l'occasion d'enfin lire Chapoutot. Son talent est d'immerger le lecteur dans les croyances et névroses nazies qu'il s'efforce de restituer avec sans doute davantage de cohérence qu'elles n'en avaient dans l'esprit des idéologues du Reich. Et pour Chapoutot le nazisme est véritablement un résultat qui s'inscrit dans une généalogie européenne et occidentale.

Dans Libres d'obéir, on découvre la très longue carrière de Reinhard Höhn, intellectuel universitaire qui termina la guerre comme général SS avant de fonder et diriger pendant des décennies la plus prestigieuse école de management de RFA.

En aucun cas Chapoutot ne dit que les managers sont des nazis. Et de la même manière, il ne dit pas du tout que le nazisme est le dévoiement de thèses managériales. Ces deux points évitent de projeter n'importe quoi sur ce livre !

Bref, c'est instructif, grinçant et l'épilogue esquisse une réflexion sur notre époque.

LIBRES D'OBEIR
Johann Chapoutot
éd. Gallimard 2020
Deuxième sélection Prix Médicis (essais) 2020

Cette pastille (chronique brève) a été rédigée par Jean-Marc Luel.

Leave a Comment