L’ironie de la vie, quelque part

Le tigre blancLE TIGRE BLANC
(The White Tiger)
Aravind Adiga
Éd. Buchet Chastel, 2008
Traduit de l’anglais par Annick Le Goyat
Man Booker Prize 2008

Il y a quelques années j’avais lu un livre qui brossait avec brio un tableau effrayant de l’Inde contemporaine, en n’omettant ni les horreurs de l’injustice sociale et du système de castes ni celles de la pauvreté extrême dans les zones urbaines, sombre et triste… C’était «L’équilibre du monde » de Rohinton Mistry. La vision donnée par ce livre était si profondément accablante que j’avais grand mal à conseiller le livre autour de moi, tant il promettait une semi-dépression assurée à son lecteur… ! Le Tigre blanc réussit ce tour de force de nous transmettre l’information identique sans se déparer un instant de sa légèreté enjouée. Je vous recommande donc ce livre sans hésitater.

Le narrateur, jeune entrepreneur basé à Bangalore et qui a réussi, prend sa plume pour présenter, sous forme d’une longue missive destinée au Premier Ministre chinois en visite dans son pays, le monde entrepreneurial en Inde. Il souhaite ainsi esquisser la méthode permettant à un enfant villageois né au plus bas de l’échelle de s’élever au rang de ce qu’il nomme « l’entrepreneur ». the white tigerPour ce faire il conte sa propre histoire et nous transporte de son village natal au Nord de l’Inde à Delhi puis à Bangalore. Le voyage en vaut la peine et je ne vous en dirai pas plus car il serait bien dommage de retirer ne serait-ce qu’une once de l’épicé, du pimenté et du salé qui attend le lecteur candide. De cette lecture je suis sortie tant enchantée que songeur et n’ai pu m’empêcher de faire quelques comparaisons entre les symptômes de la société indienne mis en exergue par l’auteur et ceux que je rencontre au Moyen-Orient. Ce livre a remporté le Prix Booker 2008 (Prix littéraire aussi prestigieux que le Goncourt qui couronne les écrivains anglophones).

Comme je vous le disais, ce livre est prodigieux tant l’humeur et le registre comique-ironique sont entremêlés à la vérité qui peu à peu se révèle au lecteur quant à ce même tableau parfaitement désolant de la société Indienne. Un sourire presque local danse sur nos lèvres jusqu’au moment où, vers la fin du livre, soudainement le narrateur nous offre une chute vertigineuse tant attendue qu’inattendue, notre sourire se crispe alors et une fumée étouffante de conscience lointaine s’insurge dans le profond de nos pupilles…

Le thème du livre n’est pas éloigné de celui de « Comment s’en mettre plein les poches en Asie mutante », écrit par l’écrivain pakistanais Mohsin Hamid.

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