Club de Lecture du 27 octobre 2017

Pour cette deuxième rencontre de la saison nous étions heureux de revoir Marie-Hélène parmi nous, accompagnée de sa petite fille qui a, en quelque sorte, assisté à notre club de lecture et que nous espérons revoir ! Marie-Hélène n’a pas eu l’occasion de nous parler de ses lectures en cours et nous en fera part peut-être à son retour en Corse au printemps, néanmoins, en partant elle nous a soufflé leurs noms : La Montagne de l’âme de Gao Xingjian et De Venise à Venise (titre original Dorsoduro) de Pier Maria Pasinetti. Le premier est le sublime récit poétique de l’écrivain chinois Prix Nobel de Littérature 2000, le deuxième aurait des saveurs de « Proust italien » nous a dit Marie-Hélène.

Mais reprenons la réunion à son début.

Nous avons ouvert le club de lecture sur les mots de Patrick Modiano qui en réponse à la question « Pourriez-vous vivre sans écrire? » a répondu « Vous savez, c’est comme quand vous voyez un tableau accroché au mur qui est de travers… vous avez besoin de le remettre droit. Eh bien pour moi, écrire, c’est un peu la même chose, ça me permet de ré-équilibrer les choses ». Nous sommes bien heureux de savoir qu’il va continuer d’écrire et d’ailleurs il publie en cette rentrée deux textes : une pièce de théâtre, Nos débuts dans la vie, et un récit bien modianesque, Souvenirs dormants.

Quant à nous, pourrions-nous vivre sans lire ?! Pour le moment nous continuons à redresser le tableau à notre façon !…

Yassi a donc commencé par nous faire part de ses lectures de la rentrée littéraire. Elle nous a parlé de Summer, de Monica Sabolo et de L’ordre du jour d’Eric Vuillard, tous deux dans la deuxième sélection du Goncourt, qui sont à des millénaires l’un de l’autre pourtant !

Summer est un livre flottant nous disait-elle, lent et ondoyant écrit par une jeune écrivaine et qui met en scène la Suisse, ses apparences propres et bien entretenues, ainsi que ses dessous stagnants et boueux. Le roman a été porté aux nues par la critique. Yassi était un peu moins convaincue.

Eric Vuillard en revanche nous livre comme à son habitude une dentelle parfaite avec L’ordre du jour. Ecrit précis, travaillé, remarquable, il nous éclaire encore une fois sur les choses du monde, de l’Homme, de l’Histoire. Ici il nous parle à sa manière des origines de la guerre, du pourquoi, du comment et du ‘par qui ça se décide’. A lire, et à relire. Nous avons dit quelques mots aussi sur les précédents livres d’Eric Vuillard, 14 juillet ainsi que Tristesse de la Terre que Yassi nous recommandait vivement.

Naturellement nous en sommes venues à parler des lauréats du Prix Goncourt. Eh bien non, ce ne sont pas les meilleurs livres qui sont primés, ni parmi les publications du moment, ni parmi les écrits de l’écrivain retenu. Marie-Hélène nous donnait l’exemple de Jean Echenoz et son « je m’en vais ». Yassi nous parlait de Mathias Enard, écrivain qu’elle révère et qui a été desservi par son Goncourt pour Boussole. Elle nous conseillait de lire « Rue des voleurs » du même écrivain. Et puis, on ne pouvait faire autrement que parler aussi de Jérôme Ferrari. Yassi nous a conseillé vivement son recueil d’essais « Il se passe quelque chose » tout en nous disant qu’elle espérait que ce serait Eric Vuillard qui remporterait le Goncourt 2017.

Le sujet du Goncourt nous a fait rebondir sur le merveilleux livre, Peste et Choléra, de Patrick Deville qui a failli le remporter à sa sortie. Et Yassi en a profité pour nous dire quelques mots sur son dernier livre Taba-Taba et le précédent Viva. Elle nous reparlera de Taba-Taba quand elle l’aura terminé mais déjà elle nous disait comme le livre était dense et foisonnant, et comme Patrick Deville poursuivait la construction de son oeuvre tentant de démontrer que notre monde actuel a démarré en 1860. Livre après livre il relie les événements du monde et les protagonistes de l’histoire politique, artistique, littéraire qui traversent toujours les frontières et les continents… Taba-Taba est le sixième roman de cette oeuvre où les personnages reviennent faire des clins d’oeil d’un récit à un autre, et qui en comptera 12 au total.

Blanche a alors pris la parole pour nous parler non pas d’un roman écrit par un romancier mais du roman de la vie en Corse et dans les villages depuis plusieurs générations. Les histoires qu’elle nous a transmises étaient drôles et poignantes, invraisemblables et surprenantes comme dans un roman.

Et nous en sommes venues ensuite aux arbres !

Monique avait lu deux livres qui donnent la première place aux arbres : La peau de l’olivier de Jean-Michel Neri et La vie secrète des arbres de Peter Wohlleben. Dans un cas comme dans l’autre Monique nous a donné très envie de lire ces livres, l’un étant un roman et l’autre un récit documenté qui se lit pourtant comme un roman.

Jean-Michel Neri a été élagueur. Il est aujourd’hui romancier et dans ce livre il a choisi pour narrateur un arbre : un olivier. L’olivier permet au lecteur de connaître l’histoire du lieu et de ses habitants, lui qui est resté sur place tout ce temps…

Véritable best-seller en Allemagne avec plus de 650 000 exemplaires vendus La Vie Secrète des Arbres est désormais traduit dans une trentaine de langues, dont en français.  Le narrateur raconte les arbres, leur langage, leur façon de communiquer ensemble… Lorsqu’un danger se présente les arbres savent se le dire les uns les autres afin que leurs voisins puissent s’en prémunir… Une vrai leçon du vivre ensemble ! Et Monique semblait aussi convaincue que ce narrateur forestier à la lecture du récit.

Florence, de son côté avait lu le dernier livre de Marc Dugain, Ils vont tuer Robert Kennedy. Fort déçue de n’avoir rien appris de plus sur l’affaire Kennedy, Florence avait pourtant poursuivi sa lecture jusque la fin. Elle n’avait pas trouvé que les digressions autour de cet autre personnage, famille peut-être de Marc Dugain, apportaient du piment au récit et elle n’avait pas très envie de nous recommander sa lecture. Nous avons pourtant parlé longuement du livre et aussi de l’aspect romancé du récit. Le père dont il est qestion dans le récit est-il réellement le père de Marc Dugain ? Marie-Hélène nous disait que ce n’était pas très vraisemblable. Et cela nous a fait penser à La Promesse de l’aube de Romain Gary qui est bien un roman même s’il y met en scène sa famille. L’anecdote des lettres de sa mère, notamment, étant un travail de romancier et non pas un image véridique des faits… Le genre de l’auto-fiction est très en vogue chez les écrivains français contemporains, nous le savons bien.. Et ce n’est pas toujours une grande réussite !

Néanmoins celles parmi nous qui avaient lu les deux romans phares de Marc Dugain, La Malédiction d’Edgar et Une exécution ordinaire, en ont vanté les mérites.

Chantal nous a alors parlé de Mécanisme du Chaos de Dominique Rondeau. Rappelons que ce livre venait tout juste de remporter le Grand Prix du Roman de l’Académie Française. Et Chantal nous a confirmé que le livre valait en effet la peine d’être lu parce que bien construit, efficace et illustrant les réalités du monde actuel. Quelques mots sur l’intrigue que Chantal a bien fait attention à ne pas nous dévoiler (je vous restitue les mots de l’éditeur) : Tout commence avec une adolescente somalienne, Habiba, rescapée d’un naufrage sur les côtes maltaises. Elle sera, avec Grimaud, archéologue français résidant en Tunisie, et Harry, jeune orphelin d’une banlieue parisienne, l’un des trois fils rouges de cette fresque qui nous conduit en Somalie, en Ethiopie, en Turquie, en Irak, en Lybie, en Algérie, en Egypte et surtout en France. (…) Des rues d’Istanbul  aux ruines d’une antique cité pillée par des islamistes, de Tunis aux banlieues françaises désertées par la République, Daniel Rondeau noue et dénoue l’écheveau du chaos contemporain où affairisme, politique et religion s’interpénètrent.

Chantal reconnaissait les mérites du livre de Dominique Rondeau mais malgré tout elle nous a recommandé deux autres écrivains, l’un pour sa force documentaire, l’autre pour son  talent narratif. Olivier Nourek écrit des romans policiers mais n’a pas son pareil pour nous transmettre ce qui se vit réellement aujourd’hui à Calais (roman Entre deux mondes) ou hier dans les banlieues (romans Territoire ou Code 93). Adélaïde de Clermont-Tonnerre, lauréat du Grand Prix du Roman de l’Académie Française 2016, nous offre, elle, un roman formidable nommé Le dernier des nôtres.

Nos discussions ont été encore bien riches et bien passionnées avant que Yassi ne reprenne la parole pour clore notre rencontre en nous présentant les dernières lectures qu’elle tenait à partager avec nous.

Elle avait en effet découvert un nouvel écrivain qui l’avait enchantée : Alessandro Piperno avec son dernier roman Là où l’histoire se termine, un roman, nous-a-t-elle dit qui nous fait aimer des personnages que nous trouverions détestables dans la vraie vie ! Elle avait particulièrement aimé aussi le dernier roman d’un écrivain suisse allemand dont elle avait surtout lu des nouvelles jusqu’ici : l’un l’autre de Peter Stamm. Un récit intimiste qui imagine une famille parfaite, un couple parfait, où un jour sans raison et sans explication l’homme part. On suit le mari et la femme dans leurs nouvelles vies, chacun son tour, et ce n’est qu’à la fin de l’histoire que l’on comprendra le sens de leur vie, de ce qui les lie.

Pour finir elle nous a dit quelques mots sur l’histoire de piraterie moderne, mythique et ressemblant à un conte que Miguel Bonnefoy dessine dans Sucre Noir et nous a reparlé de son précédent livre, Le voyage d’Otavio, qu’elle nous recommandait conjointement avec Carmela pour sa douceur poétique. Elle a terminé en nous disant qu’elle avait aimé aussi, parmi les publications de la rentrée, Trois jours chez ma tante d’Yves Ravey.

Nous avons convenu de nous retrouver le vendredi 24 novembre pour notre prochaine réunion mensuelle.

Voici la liste des livres évoqués que vous pourrez trouver à la bibliothèque :
– La Montagne de l’âme de Gao Xingjian
– L’ordre du jour d’Eric Vuillard
– Summer de Monica Sabolo,
– 14 Juillet d’Eric Vuillard,
– Tristesse de la terre d’Eric Vuillard,
– Je m’en vais de Jean Echenoz,
– Rue des voleurs de Mathias Enard,
– Boussole de Mathias Enard,
– Il se passe quelque chose de Jérôme Ferrari,
– Peste et Choléra de Patrick Deville,
– Viva de Patrick Deville,
– La peau de l’olivier de Jean-Michel Neri,
– La vie secrète des arbres de Peter Wohlleben,
– Taba-Taba de Patrick Deville,
– Ils vont tuer Robert Kennedy de Marc Dugain,
– La malédiction d’Edgar de Marc Dugain,
– Une exécution ordinaire de Marc Dugain,
– Mécanisme du Chaos de Dominique Rondeau,
– Le dernier des nôtres d’Adélaide de Clermont-Tonnerre,
– Le voyage d’Otavio de Miguel Bonnefoy,
– Trois jours chez ma tante d’Yves Ravey.

Et voici la liste des livres sur lesquels vous trouverez un article rédigé par Yassi sur son blog. Merci à Florence qui a écrit aussi un article sur le livre dont elle nous a parlé. Il suffit de cliquer sur les liens ci-dessous pour avoir accès aux articles en question :
– L’ordre du jour d’Eric Vuillard,
– Summer de Monica Sabolo,
– Rue des voleurs,
– Il se passe quelque chose de Jérôme Ferrari
– Viva de Patrick Deville,
– Ils vont tuer Robert Kennedy de Marc Dugain
– L’un l’autre de Peter Stamm
– Là où l’histoire se termine d’Alessandro Piperno
– Le voyage d’Otavio de Miguel Bonnefoy
– Sucre Noir de Miguel Bonnefoy
– Trois jours chez ma tante d’Yves Ravey

Vous pourrez écouter Patrick Modiano dans l’émission évoquée en début de l’article en cliquant ici.

Et voici une émission où vous pourrez écouter Eric Vuillard parler de son livre L’Ordre du jour : dans les coulisses de l’histoire.

Les illustrations présentées, hormis les couvertures de livres et photos d’écrivains sont les oeuvres de :
– Anthony Caro,
– Beth Moon.

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