Le caprice de vivre, de Jadd Hilal

« La tempête de la rose des sables ne tomba qu'à l'extérieur du bar, où le ciel s'éclaircit. Warda se reprit même à rire, nous rebroussions chemin vers l'appartement. Elle me doucha de moqueries auxquelles je ne répondis pas, encore troublé. Je ne l'avais jamais rencontrée, cette colère-là. Jamais n'aurais-je imaginé ce seuil que Warda était capable d'atteindre. Force était de le constater, quelque chose n'allait pas depuis son retour. »

Les publications de la maison d'édition Elyzad nous font toujours découvrir des régions et pays du monde, racontés de l'intérieur, intelligemment croqués par des écrivains merveilleux, tisseurs d'histoires déroulées tout en finesse.
En cette rentrée littéraire 2023 vous pourrez lire Le caprice de vivre, aussi beau que son titre. Jadd Hilal explore les rouages de l'amitié et ce faisant projette sur un écran géant les absurdités de notre monde et ses non-dénouements d'issues politiques voire géopolitiques.

Nous voici plongés dans une cohabitation complexe : trois jeunes gens, liés d'amitié depuis leurs études supérieures vivent en colocation depuis un certain temps. Pas à pas un trio de deux hommes et une femme se dessine. L'un des deux hommes est éperdument amoureux de la jeune femme, l'autre passe parfois la nuit avec elle. Tous deux l'admirent et elle, est férocement admirable, tout autant qu'ingérable et imprévisible. Journaliste, exigeante quant aux thèmes de ses reportages qu'elle taille à la mesure de ses convictions, elle, Warda, se donne pleinement dans tout ce qu'elle aborde.

L'intrigue se noue autour de la dernière idée de la jeune femme. Elle tient à s'attaquer à un sujet qui risque de s'avérer bien trop gros pour elle - ou pour quiconque - dans ses enjeux. Elle désire embringuer ses amis dans son projet. Pour une fois les deux hommes vont résister. Tout l'équilibre sur lequel tenait leur trio risque de s'en trouver ébranlé, ainsi que l'avenir de leur colocation. Le narrateur, notre grand amoureux, voit son monde progressivement voler en éclats sans pouvoir changer la donne. En souffrance face à cette double perte qui se profile, celle de l'amour de Warda et de l'amitié qui les lie tous trois, il se débat. Mais peut-on changer un monde qui s'effondre, peut-on réinventer les règles d'un jeu flouté, aux cartes mal distribuées de longue date ?
Sous les atours d'une poignante histoire d'amour et d'amitié c'est l'histoire de l'humanité qui est grossie à la loupe de l'écrivain. Et ce sont sans doute les impasses sauvagement contenues dans les mailles du filet qui s'en trouvent exposées.

Le caprice de vivre est un très beau roman. Avec tendresse et détachement navré il s'offre à nous dans un rythme tenu, fort d'une construction parfaitement agencée. L'écriture est belle, la narration sincère et généreuse. Dans la dernière partie, lorsque enfin se révèle à nous ce qui était réellement en jeu, nous avons le vertige face à la beauté de ce qui reliait ces trois êtres humains, une représentation de l'humanité à taille réduite peut-être. Nous quittons Le caprice de vivre le cœur serré, emplis d'admiration pour le talent de l'écrivain Jadd Hilal.

LE CAPRICE DE VIVRE
Jadd Hilal
éd. Elyzad 2023
Sélection Prix Micheline 2023

Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.

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