Les marins ne savent pas nager, de Dominique Scali

« Parce qu'être issois, c'est devenir toujours plus habile et compétent, bon et droit »

Ce roman est une merveille.
Riche de surprises, Il est écrit dans une langue inventée, maîtrisée et succulente. L'histoire narrée nous plonge dans une vie qui nous marquera longtemps et saura nous bouleverser. L'écrivaine Dominique Scali créé un monde à la fois imaginaire et historique, mais surtout intemporel et universel dans le regard porté sur l'Homme et ses fluctuants paradoxes. Le lecteur ira de chapitre en chapitre sans réaliser qu'il est en train de parcourir sept cent pages et la vie d'une formidable nageuse !

Les marins ne savent pas nager retrace l'histoire de Danaé Poussin et ses multiples entreprises, une vie durant, pour devenir citoyenne issoise. Car le roman se situe à une époque révolue - peut-être au dix-septième siècle - et dans une île inexistante qui ne sera pas sans nous rappeler d'autres îles lues ou visitées. L'île est grande, et sa particularité est de compter d'un côté les riverains, nombreux et se débattant avec la misère, de l'autre une ville fortifiée où l'opulence et la démesure n'ont d'égal que l'incongruité humaine. Or pour séjourner dans la ville fortifiée il faut obtenir la citoyenneté ; et ne pas oublier qu'elle est octroyée à un individu, sans se transmettre à ses descendants, ascendants ou fratrie. On dépose des demandes dans l'espoir qu'elles soient un jour reçues. L'on pourra être déchu, et amené à tout recommencer de zéro !
Notre Danaé a mille ressources à son arc, et - mais - elle sait nager, chose peu courante voire peu appréciée de ce temps-là et de cette île de marins..

Le roman se découpe en cinq grande parties : Le duelliste, Le prince voleur, Le prince joueur, Le prince nageur et Le bâtisseur : les grands hommes de la vie de Danaé Poussin. Père, ami, amant, elle les aimera et craindra à juste titre d'être abandonnée par eux. Et puis, régulièrement de très brefs chapitres sont insérés en italique. Nous ne saurons qu'à la fin du livre ce qu'ils nous restituent, mais l'on s'y intéresse pour leur aspect documentaire. Tout ce temps, le lecteur tournera les pages avec ferveur, vivra au côté des personnages de grands moments de joie ou de tristesse, et s'ébahira de ce grand roman d'aventures.

Mais Les marins ne savent pas nager est aussi d'une certaine manière un roman social. La fracture est grande entre la vie qui s'écoule dans la cité fortifiée et celle qui se mène partout ailleurs. Les folies hors norme que peuvent se permettre les citoyens, affreusement ridicules et indignes, sont à des millénaires de la vie misérable des côtes où survivent les riverains.
Surtout, les intempéries et cycles de la nature sont menaçants hors les murs de la citadelle : tous les ans, lorsque la saison de la montée des eaux approche, les riverains devront grimper une paroi rocheuse et prendre refuge dans les grottes de fortune. Peu y parviennent, surtout parmi les plus âgés, à moins qu'ils ne trouvent une embarcation pour les accueillir le temps des inondations.
Eh oui, le livre nous secoue, tout comme il secoue ses habitants. L'histoire nous tient en haleine, mais ce sont surtout les personnages haut en couleur et attachants qui nous enchantent, à commencer par cette femme, d'une droiture sans failles, Danaé Poussin.

Je vous recommande chaleureusement le roman de Dominique Scalli. Une belle découverte, un beau voyage, dépaysant et tendre qui marque les esprits. Je vous en parlais aussi tout au début de l'article, l'écriture est une merveille, un bonheur de lecture en soi qui participe à nous transporter dans un ailleurs lointain.

LES MARINS NE SAVENT PAS NAGER
Dominique Scali
éd. La Peuplade 2022
parution le 18 août 2022

Les illustrations présentées dans l'article sont les œuvres de Stefano di Giovanni.

Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.

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