Trois poèmes, de Hannah Sullivan

Les saisons de mon âme, déclinées aux parfums du jour

De même que la poésie est intraduisible par nature, elle se refuse à être chroniquée. Mais j'ai passé un moment si heureux dans les bras de ce recueil, j'y replonge et je picore des bribes avec tant de délice, que je ne peux faire autrement que vous parler de Trois poèmes de Hannah Sullivan !
La poétesse britannique est professeure d'université. Elle a vécu, étudié et enseigné des années durant également aux États-Unis. Elle est reconnue et largement primée, mais demeure poète dans l'âme, sans concession.

Ce recueil vient de paraître dans sa traduction française, en ce mois de mars 2021. Mais attention, sagesse et finesse des éditions La Table Ronde obligent, c'est une édition bilingue. Nous sommes donc bien dans le domaine de la poésie. J'ai lu et découvert ces trois poèmes dans leur version originale, puis je me suis promenée, attentivement et allègrement dans sa version traduite. Patrick Hersant nous offre un rendu en français remarquable, respectueux et juste. 
Or il me faut reconnaître, aussi, que j'ai lu ce livre tel un recueil de nouvelles. Trois nouvelles exquises ! Chacun de ces trois poèmes court sur des dizaines de pages. Chacun raconte une histoire, sans jamais raconter bien-sûr. Ce serait tout comme une série de photographies prises en suivant les saisons récurrentes d'une vie humaine, dans un lieu, lors d'une traversée. Une traversée d'un paysage intérieur qui se reflète dans des décors extérieurs. Certain poème est lent, certain autre d'un rythme enlevé, d'un ton enjoué. C'est doux, c'est délicieux. C'est cru, c'est actuel. Sonnant dissonant, rayonnant de pureté, flagrant de chair. Oui, ce sont des tranches de La Vie qui sont dites, comme un poème sait dire l'indicible.

Un après-midi d'hiver, installée au soleil, j'ai lu d'un trait les trois poèmes, l'un après l'autre. Happée par l'art de la poétesse, guidée par mon amour des scènes new yorkaises merveilleusement capturées dans le premier poème, je me suis surprise à ne pas lever les yeux, un seul instant, du livre que j'avais entre les mains. Je m'extasiais, m'exclamais à voix haute. J'aimais chaque mot. J'adorais les assemblages de ces mots, les contradictions harmonieuses et inattendues qui leur donnaient étincelles et sens. Je méditais un vers, puis je soupirais. Eberluée, conquise, j'étais transportée dans un élan magique.

Hannah Sullivan sait brasser ses cartes. Elle embrasse des images d'aujourd'hui, des noms de marque, des enseignes de café ou restaurant, des sonorités claquantes avec une humeur poétique sans âge. Poésie d'hier nous lisons, poésie de demain nous découvrons, et poésie intemporelle en retirons. Je ne sais pas comment elle fait. Car sa poésie est une étude comparative. Or ce comparatif est indéfinissable. Le lecteur ressent, pressent tant de réponses à portée de main. Mais c'est un soupçon, un parfum, une impression qui se renouvelle et se réinvente à la lecture suivante.

Un poème est un voyage sans fin. Trois poèmes de Hannah Sullivan tient la promesse, et nous embarque pour nous porter loin, dans le présent des instants de vie.

TROIS POÈMES
Hannah Sullivan
Traduit de l'anglais par Patrick Hersant

éd.La Table Ronde, 2021 (v.o. 2018)
Prix T.S. Eliot 2018

L'illustration présentée dans l'article est une photographie de Louis Stettner.

Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.

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