Une fin originelle

le sermon sur la chute de RomeJ’avais été très touchée par le précédent livre de Jérôme Ferrari « Où j’ai laissé mon âme », et j’avoue, affreusement triste du manque relatif d’éloges qui lui fut fait à l’époque, au regard de la qualité de son écrit. Eh bien voilà qui est chose faite. Notre homme est récompensé.

Ce jeune enseignant de philosophie, expatrié depuis peu à Abu Dhabi s’est vu couronné pour ce livre-ci qui, peut-être, lui tenait plus à cœur puisqu’il y parle d’un personnage qui eût pu être lui-même… Un jeune garçon qui ne passe que les périodes de vacances dans son village en Corse et qui se sent pourtant plus attaché à cette terre qu’à toute autre, et cela à tel point que le projet de la gestion d’un bar dans l’île, avec son ami d’enfance Corse, représentera pour lui l’accomplissement absolu.

Le livre est délicieusement écrit, offrant souvent au détour d’une phrase l’opposition agressive du beau et du laid : « Dans un écrin de poussière et de crasse reposaient le grand ciel bleu de la baie… ». Le style est tranchant, haut en couleur, savoureux mais le destin des personnages est creux, dénué de sens et décevant. Nous parcourons la vie de quatre générations, la première ayant fait la guerre de 14, la deuxième ayant voulu faire sa guerre mais ne s’étant trouvé qu’à des postes inutiles, la troisième choisît de se dégénérer avec un mariage entre cousins germains. De cette union naitra Mathieu, l’enfant éternel, gentil garçon, et futur patron de bar. Les espérances et illusions sont peut-être si grandes au départ que la chute dans le réel ne peut être gratifiante. La sœur de ce gentil Mathieu, est bien moins dupe :

« … Elle ne se plaignait de rien, son acquiescement était total car chaque monde est comme un homme, il forme un tout dans lequel il est impossible de puiser à sa guise, et c’est comme un tout qu’il faut le rejeter ou l’accepter, les feuilles et le fruit, la paille et le blé, la bassesse et la grâce. ».

LE SERMON SUR LA CHUTE DE ROME
Jérôme Ferrari
Éd. Actes Sud, 2012
Prix Goncourt 2012

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