Disparitions, de Natsuo Kirino

Un bon polar est en général bien plus que juste un polar. C’est souvent la retranscription d’un monde, d’un univers existant quelque part sur la planète et l’atmosphère qui l’accompagne. Avec Natsuo Kirino nous sommes dans le Japon de la bienséance et de la réussite… Si ce n’est qu’ici c’est l’envers du décor qui est dessiné. Que se passe-t-il lorsqu’on cherche à sortir de sa condition, de son statut, de sa ville natale. Fugue, adultère, séparations, où mènent-ils ? Dans ce roman savamment noir bien-sûr !

Kasumi est dans sa trentaine. Elle est mariée et est mère de deux enfants. On apprend très vite qu’elle a un amant, qu’elle avait rêvé autrefois de devenir graphiste, et que, adolescente, elle a disparu de sa ville natale pour monter à la capitale, laissant ses parents sans nouvelles d’elle depuis son départ. Son amant est issu d’une classe sociale supérieure à la sienne. Ils s’aiment. Ils veulent vivre ensemble. Son amant acquiert une maison dans la nature et propose aux deux familles d’aller y passer quelques jours, en attendant que chacun quitte sa vie de famille pour venir vivre là. Or cette maison est située dans la région natale de Kasumi. Une catastrophe s’annonce.

Une partie du livre nous mène jusque la catastrophe. Une autre nous plonge dans l’après en passant par une phase de transition. Et nous suivrons alors Kasumi qui mène l’enquête avec un ancien officier de police lui aussi « sorti des rangs ».

Le livre est épais mais il se dévore. A un certain stade le lecteur ne sait plus si l’enquête qui est menée est celle officielle ou celle qui explique la fugue de Kasumi elle-même dans son enfance. Quel est en réalité le sens d’une « disparition »?… A chaque pas la pensée japonaise se fait plus présente. Les conventions de la société japonaise, ses exigences et ses défaillances deviennent une chaîne qui voudrait lier les causes et les effets. Naturellement ce n’est pas une lecture empreinte de légèreté. L’ambiance est pesante, et le plus surprenant est la transformation radicale de certains personnages dans le cours de l’aventure.

Depuis longtemps je souhaitais découvrir l’écrivaine Natsuo Kirino. Voilà chose faite et je salue son talent et son travail. Ce livre a remporté le Prix Naoki à sa sortie au Japon en 1999. A ce jour je n’ai pas été déçue par les lauréats de ce prix que j’ai pu lire.

DISPARITIONS
Natsuo Kirino
Traduit du japonais par Sylvain Chupin
Prix Naoki 1999

L’illustration présentée est l’oeuvre de Guillermo de Vicente.

 

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