Mal de pierre, film de Nicole Garcia

Le rêve d'une vie

Ne faites pas comme moi : ne regardez pas ce film dans l'idée de retrouver le roman éponyme dont il a été adapté. Le film est beau, si on se plonge dedans, en se laissant vivre l'œuvre cinématographique. Si je vous dis cela c'est tout simplement parce que j'étais allée au cinéma pour voir ce film dès sa sortie. Je n'avais pas retrouvé le roman tant aimé de Milena Agus. J'étais passée à côté du film. Et voilà qu'aujourd'hui, en me promenant sur Netflix, je vois une affiche inconnue, un titre de film (en anglais) qui ne résonne pas dans mon esprit. Je m'installe. Je regarde un bon tiers du film avant de réaliser qu'il s'agit de Mal de pierres ! Et cette fois j'aime profondément ce que je vois. Car je vois enfin, d'un œil neuf, vierge, frais.

Une jeune femme vit à la campagne. Elle traverse ses premiers émois amoureux. Mais ils se vivent dans son imaginaire : elle se croit amoureuse de son maître d'études. Très vite on nous montre que cette fille est étrange ; elle n'est pas comme tout le monde. Et le village la croit folle. Ses parents, d'une famille établie et fortunée du lieu, se débarrassent d'elle en la casant avec un travailler journalier de la ferme. Un homme qui semble solide, qui a l'air d'avoir la tête sur les épaules. Et le spectateur a le sentiment qu'il est séduit par la jeune femme. La négociation est matérielle et pécuniaire. Le couple s'installe à La Ciotat, crée une entreprise, se construit une belle maison - aux frais des parents. Mais l'on découvre une maladie à la jeune épouse : elle a le mal de pierres. Le mari l'emmène dans un établissement à la montagne pour qu'elle suive une cure. Et ce séjour, qu'elle redoute et rejette au départ, va transformer sa vie, et leur vie, de couple et de famille, puisqu'un enfant leur naîtra ..

Le film est construit en aller et retour dans le temps. Il commence par la fin, si l'on veut. Le fils qui leur est né est adolescent, il doit se rendre à Lyon pour une audition piano. Les parents l'accompagnent. Au centre de Lyon, en taxi, la jeune femme voit la plaque qui porte le nom d'une rue. Elle fait arrêter le taxi, les quitte et cherche une adresse, qu'elle a en tête. La scène d'après, nous sommes quinze ou dix-sept en arrière. Et l'on suivra le parcours de la jeune femme, du jeune couple etc. Bien entendu dans les dernières scènes nous sommes de nouveau à Lyon, dans cette rue où l'épouse et mère fait arrêter la voiture. Seulement cette fois nous savons ce que représente cette adresse. Et désirons connaître la suite de l'histoire.

     

La photographie est sublime dans ce film. La musique porte le rythme, avec une œuvre jouée au piano qui nous ramène toujours vers le passé. Les acteurs sont époustouflants, tant Marion Cotillard, au summum de son art, qu'Alex Brendemühl et Louis Garrel. Mais en réalité c'est le lien qui s'instaure entre le spectateur et le regard de la réalisatrice, le propos des scénaristes, qui en fait une belle réussite. Nous ne questionnons rien, à aucun moment, parce que nous sommes happés, parce que nous sommes rentrés dans cette vie qui se déroule face à nous. Surtout parce que cette femme, son époux, le troisième personnage principal, eux aussi, tous, sont soumis au destin et sujets à leurs limites, ballotés. Tous les arts du cinéma sont entrelacés pour nous fondre dans ce "ballotés". L'instable et l'imprévisible va-t-il trouver une issue heureuse ?!

La femme dans cette histoire est toujours, presque toujours, agitée, emportée ou transportée, éperdue ou vibrante. Les hommes de leur côté sont filmés dans des positions plutôt fixes. Que leur silhouette se fasse rigide ou alanguie, tendue ou abandonnée, nous les voyons bien peu en mouvement. Et le contraste se remarque d'autant plus que les couleurs et la luminosité des scènes leur donnent de la matière. Je ne sais pourquoi je fais cette remarque. Tout comme je ne sais pourquoi ce film m'a saisie. L'inattendu, ici, n'est pas là où on l'attend. Et en le regardant une deuxième fois, avec des yeux libres de tout jugement ou cliché, j'ai savouré la tranche de vie romancée qui m'était présentée. J'ai pris plaisir à voguer dans un espace-temps où la compréhension humaine ne semblait pas complexe, envers et contre tout !

MAL DE PIERRES
Réalisatrice : Nicole Garcia
Scénario, adaptations, dialogues : Nicole Garcia, Jacques Fieschi, Natalie Carter
Musique : Daniel Pemberton
Directeur de la photographie : Christophe Beaucarne
Montage : Simon Jacquet
Casting : Marion Cotillard, Alex Brendemühl, Louis Garrel, Brigitte Rouan, Victor Du Bois, Aloïse Sauvage
Date de sortie France : 2016
Sélection Festival de Cannes
Diffusion Netflix

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