Brooklyn Book Festival 2013 – suite

BKBF5Hier nous avons parlé du Festival du Livre de Brooklyn 2013, parcourons maintenant de quelques conférences et débats qui s’y sont déroulés, réunissant les écrivains, savants conteurs d’histoire et parfois engagés politiquement…

 

  1. Le vilain petit canard, l’éternelle histoire de la transformation,
    James MacBride, Audrey Neffenegger et Meg Wolitzer,
    débat animé par David L. Ulin

    Les trois écrivains présentaient leur dernier livre :

  • James MacBride : « The Good Lord Bird », en lice pour le National Book Award 2013,
  • Audrey Neffenegger : « Raven Girl », cette écrivaine a rencontré un grand succès avec son livre « The Time Traveller’s Wife » traduit en français sous le titre « Le temps n’est rien »,
  • Meg Wolitzer : « The interestings », cette écrivaine bénéficie d’une bonne assise aux États-Unis mais elle est peu traduite en France.

BKBF6Ces trois écrivains m’ont fascinée tant leurs mots étaient ceux qu’on attribue aux auteurs sachant conter des histoires avec profondeur, magie et conviction. Audrey Neffenegger a su présenter de manière étrangement fluide et réelle son conte moderne et sombre, où une jeune fille réalise progressivement qu’elle est une corneille, et s’efforce de mener à bien sa transformation physique afin de vivre sous son vrai visage et se retrouver telle qu’elle aurait dû naitre.

Meg Wolitzer est dotée de cet humour particulier qui ne manque pas d’esprit et séduit son public par la simplicité et l’universalité des idées véhiculées. Son dernier livre retrace l’évolution d’un groupe d’adolescents et leur transformation en l’adulte qu’ils vont devenir.

BKBF 7Et John McBride, incontestablement, est un conteur d’histoires né. Aux questions posées, souvent il répondait par des allégories touchant à la musique puisqu’il est également saxophoniste. Sa voix vibrante et chargée d’émotion nous enrobait telle une mélodie. L’on ne sera donc pas très étonné qu’il ait employé la voix d’un conteur d’histoires pour explorer l’Histoire, plus précisément une anecdote et un personnage de l’Histoire des Etats-Unis peu connus, ou peut-être mal aimés. Le récit se déroule dans la période précédant de peu la guerre civile américaine. Un manuscrit trouvé par hasard rapporte l’aventure d’un jeune esclave noir qui se déguise en fille dix-sept années durant et qui se trouvera mêlé au soulèvement des esclaves.

En réponse à une question de la salle interrogeant les auteurs sur la qualité et le métier d’écrivain, John McBride nous a raconté qu’un jour où il se morfondait de son peu de progrès en musique, il s’ouvrit à son professeur « Je travaille sans relâche et pourtant je ne m’améliore pas, que faire ?… ». Son professeur se leva et alla se poster à côté de la fenêtre, lui demandant alors de regarder dehors. Il fait beau et le soleil brille, mais le crépuscule est proche. « Regarde ce soleil qui va se coucher, qui demain se lèvera et qui chaque jour poursuit inlassablement sa course, ne cessant son activité de levers et de couchers… » « Eh bien, mets-toi au travail et sans te laisser distraire de ta trajectoire à toi… ».

Raven Girl     The Interestings    The God Lord Bird

  1.  Qu’est-ce qui emplit le néant survenu après une guerre ? »,
    Sinan Antoon (Irakien), Ru Freeman (Sri-Lankaise) et
    Colum McCann (aux origines irlandaises),
    débat animé par Rob Spillman

Ces trois écrivains, engagés dans la course de l’Histoire, font parler le monde contemporain et ses drames dans leurs récits. Ils présentaient leurs derniers livres :

  • Sinan Antoon : « The Corpse Washer », (titre original en arabe : le grenadier – dans le sens de l’arbre qui donne comme fruit des grenades) Livre traduit en anglais par l’écrivain,
  • Ru Freeman : « On Sal Mal Lane » et
  • Colum McCann : « Transatlantic » traduit en français sous le même titre.

Sinan Antoon3  Ru Freeman 2   Colum McCann2
En sortant du précédent débat d’écrivains, poétique et inspiré, je me rendis directement à cette discussion tout autant passionnée et passionnante, quoique différente par bien des aspects. Les trois écrivains semblent avoir talentueusement élaboré leurs romans inspirés de faits historiques : les tragédies liées à une guerre que leur pays a traversé, en l’occurrence l’Irak, le Sri-Lanka et l’Irlande.

Ils ont expliqué en quoi le roman était un excellent moyen pour faire connaître l’Histoire d’un pays ou d’une région, sachant bien entendu que la question de fond est universelle et non pas spécifique à un pays. Colum McCann et Sinan Antoon ont parlé de l’empathie que pouvait ressentir un lecteur de roman, raison pour laquelle il accepterait de se laisser pénétrer par des éléments contre lesquels il aurait pris position selon ses opinions politiques s’il s’agissait d’un essai, a complété Ru Freeman. Elle est allée plus loin en expliquant comme il était possible de porter un regard critique mais dénué de positions politiques obtus lorsqu’il s’agissait de parler d’un pays qu’on aimait profondément.

Colum McCann, avec poésie, nous a fait part de la possibilité pour le romancier de plonger dans les cavernes obscures pour faire apparaître la lumière, et inversement, d’invoquer une grande luminosité pour faire parler l’obscurité profonde. Et puis, bien entendu, le débat a porté sur la question de La Vérité, et des versions officielles de l’Histoire telle qu’elle est largement connue. La Vérité est multiple nous disaient-ils parce que vue sous des éclairages et selon des angles de visions différents. C’est ainsi qu’un récit historique changera selon les différentes versions qui en sont narrées. Colum McCann illustrait cela en comparant la vérité à un Kaléidoscope. Pour finir Sinan Antoon nous rappela la réalité actuelle de l’Irak où, après une longue période de dictature et de censure le système politique avait été disloqué ; désormais, il n’existe plus de version officielle d’Histoire à combattre, constatait-il.

The corpse washer On sal mal lane Transatlantic

 

Et demain je vous parlerai des dernières conférences que j’ai pu suivre au Festival du Livre de Broooklyn de cette année, réunissant notamment Claire Messud, Rachel Kushner, Nicolson Baker, Juan Gabriel Vàsquez (Colombien), Patricio Pon (Argentin), Zoë Wicomb (Sud-africaine)…

Vous pourrez consulter le site officiel du festival ici d’où proviennent Les photos ci-dessus. Et pour en savoir plus sur les livres présentés ci-dessus, vous pourrez consulter les articles suivants du New York Times, de NPR et d’un blog universitaire (en anglais) :

La suite des chroniques de ce Festival du Livre de Brooklyn se trouvent dans cet autre article ici.

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