La fin justifie tous les moyens !

Kamal JannLe journal Le Monde avait consacré une pleine page à ce livre. Dès lors on a vu ce livre dans les librairies revêtu d’un ruban rouge le qualifiant de « Le Grand Roman du Moyen-Orient ». J’étais plutôt sceptique au départ. A l’arrivée je n’hésiterai pas à le recommander, si tant est que le sujet en lui-même ne rebute pas le lecteur. L’auteur y peint un portrait du Proche-Orient actuel, en prenant pour cadre l’histoire de plusieurs familles syriennes-libanaises, de celles qui contrôlent tout et tous depuis toujours !

Très certainement si j’avais lu ce récit avant de connaître la région, avant d’y avoir vécu j’aurais jugé le tableau ci-brossé parfaitement surréaliste et, si ce n’est uniformément imaginaire, du moins largement tiré par les cheveux. Or, non, l’intérêt de ce livre est précisément qu’il porte à nos yeux ce monde inconnu dans sa vérité la plus pure : exagérément ignoble et tragique, affreusement touchante et bouleversante ! Car malgré la légèreté de la plume de l’écrivain, malgré l’humour et l’insouciance qui semblent souvent régner dans le récit, le déchirant et le bouleversant se tailleront la plus grande part du gâteau.

Nicolas de Staël

Il m’a semblé lire en conclusion, soufflée derrière chaque mot et à chaque ligne, à quel point les individus de ce Moyen-Orient sont des zones sinistrées, tout autant que les lieux géographiques qui auront été leur berceau. Tous les clichés que j’ai pu rencontrer durant mes années au Procbe/Moyen-Orient, je les ai lus dans ce livre : le beau, le brillant, la délurée Jet-Set, l’appétit quasi animal des choses de la vie dont la sexualité et l’omniprésence de la politique. Nous sommes bien plongés dans les méandres de la politique déguisée en fiction ! Non pas la politique policée mais celle qui justifie tout. L’oncle peut commanditer la mort de son frère et de sa belle-sœur pour veiller ensuite sur ses neveux et leur imposer sa tyrannie abominable, et ce « pour le bien du peuple ». Mais le Mossad peut aussi s’allier à un chef musulman intégriste, via les services de la CIA afin de faire liquider l’homme clef des services secrets syriens par sa propre épouse. Tout est permis dans ces jeux du pouvoir, et ce Proche-Orient semble doublement condamné, tout autant par lui-même que par l’occident.

La peinture présentée est de Nicolas de Staël.

KAMAL JANN
Dominique Eddé
éd. Albin Michel, 2011
Prix Anna de Noailles de l’Académie Française 2013

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