Club de lecture de Sainte-Lucie de Porto-Vecchio, à distance !

Je vous en parlais dans le dernier journal de Kimamori : notre club de lecture de Sainte-Lucie de Porto-Vecchio a été maintenu. Simplement, nous nous sommes réunis à distance !

Comme vous pouvez l'imaginer, nous avons commencé la réunion en remerciant chaleureusement Pascale Poder, responsable de la bibliothèque de Sainte-Lucie de Porto-Vecchio, de nous offrir la possibilité de nous retrouver, d'échanger et de nous évader ainsi durant ces jours de reconfinement.

Rappelons qu'aucune des personnes présentes n'était particulièrement experte dans les domaines de la technologie, ni initiée au télé-travail par exemple. La connexion n'est pas bien difficile en visioconférence, et le cas échéant, un simple appel téléphonique permet de se joindre au groupe...

Cette formule à distance a un charme terrible parce qu'il nous permet de nous réunir quel que soit notre lieu de résidence. Certains adhérents de la bibliothèque peuvent être temporairement dans une autre ville et se joindre au groupe malgré tout.

Notez qu'en bas de cette page vous pourrez accéder à toutes les références citées et évoquées lors de ce club de lecture, avec des liens vers des émissions radiophoniques, des articles et des chroniques.

Actualité littéraire

J'avais choisi de partager avec les participants une actualité amusante, puis nous avons parcouru ensemble les sélections et lauréats des prix littéraires de cette rentrée 2020.

L'anecdote insolite n'était autre que le voyage d'un manuscrit ! Eh oui, le président Macron lors de son voyage en Chine, en mars 2019, a offert à son homologue chinois Xi Jinping, un livre rare du XVIIème siècle : la première traduction française des écrits du sage et philosophe influent Confucius.
C'est en ce début novembre 2020 que Confucius ou la Science des Princes a été remis officiellement à la bibliothèque nationale de Chine. Cette dernière avait prévu de l'exposer jusqu'au 6 décembre. 

Nous avons parcouru ensuite, en détail, les lauréats des prix Landerneau, Médicis, Femina, ainsi que les dernières sélections et finalistes des prix Giono, Renaudot, Goncourt et de l'Académie Française.

Citation du jour

Une fois n'est pas coutume... la session a été introduite par une citation. En général nous écoutons une voix d'auteur. Mais cette fois j'ai eu le désir de nous faire entrer dans l'univers d'un poète. Or, Louise Glück, poétesse américaine, vient d'être sacrée Prix Nobel de littérature 2020. Ses poèmes sont très peu traduits en français alors qu'elle a une renommée et reconnaissance américaine de longue date, et qu'elle a été célébrée par les plus prestigieux prix littéraires aux États-Unis. Nous avons écouté un extrait d'une émission radiophonique française qui nous lit un de ses poèmes, traduit et publié dans la revue Po&Sie.
J'ai pris quelques minutes pour nous rappeler que l'Institut suédois l'avait sélectionnée parce que sa voix incontestablement poétique, d'une beauté austère, rend universelle l'existence individuelle. La simplicité apparente de sa poésie avait dissuadé jusque là les éditeurs français de nous offrir une anthologie de ses écrits. Mais, bien qu'elle ne parle jamais de politique dans son œuvre, on estime également qu'elle porte une parole politique notable. Nous prendrons pour exemple son poème October, née sous sa plume suite au 11 septembre. Elle y insérait l'atmosphère et l'émotion de ce moment historique, sans jamais évoquer l'événement en lui-même.

« J'ajoute ma propre découverte
Le monde était très grand
Puis il fut petit,
très petit,
assez petit pour tenir dans un cerveau. »

Vous trouverez en fin de cet article le lien vers l'émission radiophonique évoquée, et pourrez ainsi écouter le poème de Louise Glück dans son intégralité.

Partage de nos lectures

Tout comme dans un déroulement habituel de nos réunions en bibliothèque et médiathèque, j'ai commencé par présenter deux livres que je recommandais, puis, à tour de rôle ceux qui le souhaitaient ont pris la parole pour nous faire connaître leurs dernières lectures et coups de cœur. Comme cela arrive parfois, nous étions plusieurs à avoir lu les mêmes livres. Échanges et débats ont pu avoir lieu.

Il m'a tenu à cœur de parler d'un roman paru au printemps. Desservi par le contexte de cette année, j'ai émis à voix haute le désir qu'il soit porté par le bouche à oreille. Il s'agit de Une république lumineuse du jeune écrivain espagnol Andrès, Barba publié par l'éditeur Christian Bourgois. Le roman est centré sur l'enfance, mais rarement on aura vu le thème traité de cette manière. Une histoire inhabituelle, poignante, d'un mauvais traitement que la petite ville de San Cristobal fait subir à une bande de gamins et d'adolescents livrés à eux-mêmes, semi-délinquants.

J'ai parlé ensuite de ma fascination pour ce jeune écrivain franco-vénézuélien, que j'avais rencontré à Bastia, lors de la première occurrence du festival Libri Mundi. Tant à l'oral qu'à l'écrit il nous charme par l'emploi d'un français d'antan, appris dans les écoles françaises des pays où il a successivement séjourné enfant. Il brasse avec ce dernier roman un siècle de l'histoire tant européenne que chilienne. Saga familiale, emprunte de magie mais aussi de réalisme brutal, elle transporte le lecteur dans les rêves et déceptions de quatre générations de chiliens, descendants de français émigrés là-bas.

France a pris la parole en premier parce qu'elle devait nous quitter un peu plus tôt. Et elle nous a parlé du dernier livre de Tobie Nathan. Elle confirmait ce que Pascale lui avait dit au moment où elle prenait ce livre à la bibliothèque : ce n'est pas facile de rentrer dedans. Elle s'était accrochée, mais pour le moment elle restait sur sa soif. C'est l'ethnopsychiatre Tobie Nathan qui m'intéresse avant tout, et pour le moment je ne le retrouve pas dans ce récit. Mais elle n'avait pas terminé le livre encore ; elle a promis de nous en reparler la prochaine fois.
Et puis, club de lecture oblige, nous nous embarquons parfois sur d'autres sujets, sans nécessairement un livre à l'appui. Et ce mardi soir-là, nous nous sommes tous passionnés pour les ateliers philo que France anime actuellement à l'école primaire de Sainte-Lucie de Porto-Vecchio. Détails, anecdotes, débats et références à d'autres vécus et projets ont alimenté nos échanges.

J'insère ici un mot, avant de vous faire part de la suite de nos échanges. J'aimerais préciser, pour ceux qui n'étaient pas présents avec nous lors de cette réunion en visioconférence, que tout au long de nos échanges Pascale Poder, notre hôte de la bibliothèque et la plus érudite de nous tous, s'évertuait à compléter, rectifier, clarifier les sujets abordés. Elle indiquait à chaque fois si le livre dont nous parlions était dans les rayonnages de la bibliothèque. Et bien entendu, souvent elle prenait en compte les demandes des uns et des autres. Vous trouverez en bas de cet article le lien vers le blog de la bibliothèque, géré et mis à jour par elle. Ce blog est riche d'informations, de notules et de chroniques, notamment celle, fort éclairante, qu'elle a conçue et mise en ligne sur le tout dernier roman de Hervé Le Tellier, L'Anomalie.

Au tour d'Anna ensuite de nous émerveiller par ses lectures. Et la transition fut naturelle vers le roman de Francesca Serra, lauréate du prix littéraire Le Monde 2020. Le harcèlement en milieu scolaire est un des phénomènes formidablement mis en lumière dans ce roman. Nous avons eu plaisir à partager nos émotions autour de ce livre. Et j'étais heureuse de me remémorer la rencontre d'auteur que j'avais eu grand plaisir à animer, tant Francesca Serra est une belle personne, en complément de l'autrice talentueuse que nous reconnaissons tous.
Et nous sommes quelque peu resté dans la thématique de la violence parce qu'Anna venait de lire également Héritage de Miguel Bonnefoy. Elle avait tout autant aimé le livre que moi, mais elle a souhaité revenir sur une des dernières scènes du roman. Celle-ci se déroule dans les prisons de Santiago de Chili où sont détenus, interrogés et torturés les opposants au coup d'état de Pinochet.
Pour finir elle a évoqué le dernier livre d'Erri de Luca. Nous étions quelques uns à être grand admirateur.trice de l'homme et de l'auteur. Nous avons convenu d'en reparler.

Mais alors Anna a introduit un autre sujet qui nous a embarqué quelque temps dans la vie des revues et magazines qui nous intéressaient. Elle nous a parlé du journal Le 1 auquel elle est abonnée, puis nous avons naturellement évoqué la revue America, et d'autres ! Et la discussion nous a conduit à une jolie revue de BDs et de romans illustrés...
J'en ai profité pour faire un tour de livres publiés récemment en format poche, des romans et un recueil de nouvelles qui méritent d'être visités, ou revisités.

Infailliblement nous en sommes revenus à nos moutons, en l'occurrence notre voyage au sein de livres lus. Catherine nous a parlé de deux écrits qu'aucun parmi nous n'avait encore lu, et autour desquels elle nous a envoûtés : Là où chantent les écrevisses, de Delia Owens, et Les voix de Marrakech d'Elias Canetti. Le premier relate un parcours de femme, livré à toutes les embuches mais où le personnage parvient à sortir par le haut. Aà deux occasions elle est abandonnée et livrée à elle-même, d'abord par ses parents, ensuite par un ami cher qui lui aura tant transmis. Elle saura survivre seule dans les marais ; elle saura vaincre aussi la misère psychologique qui aura décidé de la faire sienne...

Quant à Les voix de Marrakech, pour nous donner le désir de le lire, Catherine nous a dit comme le récit lui avait permis de voyager, confinée qu'elle est aujourd'hui, contexte sanitaire oblige. Elle a retrouvé ce livre dans sa bibliothèque, et s'est plongée dans ce bref texte de cent vingt pages. L'auteur raconte la ville de Marrakech où il a séjourné en 1953. Notons que son livre est paru en 1980, puis dix après en format poche, depuis il est régulièrement réédité. L'auteur nous transmet des voix, des bruits, des gestes, des images qui se sont inscrit en lui lors de son séjour. Et offre ainsi au lecteur une évasion, ailleurs, là-bas !

Et puisque nous étions au cœur de la question des voyages, proposés par la littérature, Anna a fait un aparté sur les publications de cette rentrée littéraire, qu'elle trouvait plutôt sombres. Nous en avons débattu. Pour ma part je trouvais que cette rentrée littéraire était riche d'une grande diversité, et que les romans que j'avais lus étaient plus lumineux que ceux des deux dernières rentrées.

Hélène a souhaité nous parler ensuite de L'Enfant céleste, de Maud Simonnot. Et nous étions ravis parce que le roman figure parmi les finalistes du Prix Giono 2020 et nous attirait. Le personnage principal est un jeune garçon brillant et précoce mais rejeté à l'école tant par ses camarades de classe que par les enseignants. Ils vont partir en voyage avec sa mère, dans une île légendaire de la mer Baltique. La nature sauvage qui enrobe l'île, dans les forêts et sur les rivages permettra aux personnages de panser leur blessures. Hélène avait été très sensible à la beauté du roman, et à sa délicatesse. Elle nous l'a recommandé en faisant également un bref aparté sur un roman de Mélanie Daniel, Le Ring, paru récemment.

C'est Rosine qui a ensuite pris la parole. Elle nous a présenté trois livres, bien différents les uns des autres, tant dans leur style que dans leur contenu, qu'elle nous recommandait avec la même conviction. Commençons par le dernier roman de Muriel Barbery, Une rose seule, qu'elle avait eu l'idée de lire suite à une chronique parue dans les pages de Kimamori. Oh comme j'étais heureuse qu'elle ait aimé ce livre ; pour d'autres raisons que celles qui m'avaient subjuguée ! Le récit est japonisant, l'histoire se déroule au Japon. Mais comme nous le disait Rosine, la nature est très présente. Elle est dite avec les mots justes puisque le personnage principal est botaniste. Mais au-delà de sa connaissance technique, cette jeune femme, Rose, entend la parole des plantes, des fleurs, de la végétation, de la montagne et du souffle du vent. Très beau livre qui peut donc plaire pour sa richesse, multiple.

Voici un résumé emprunté sur la page de l'éditeur, de ce livre que Rosine nous a donné très envie de lire : De 2016 à 2019, Rachid Zerrouki, connu sous le nom de Rachid l'instit sur Twitter, a été professeur à Marseille en Segpa, une section où se retrouvent les collégiens dont les difficultés scolaires sont trop graves et persistantes pour qu'ils suivent un cursus classique. Bien souvent, lorsqu'on recherche l'origine de ces difficultés, on découvre des drames, de la précarité, des vies marquées par l'adversité. Enseigner à ces élèves a entraîné Rachid Zerrouki à résoudre de nombreux dilemmes pédagogiques...

Et pour finir Rosine nous a parlé du dernier livre d'Emmanuel Carrère, Yoga. Encore une fois une autre personne du groupe l'avait lu. Et là, nous avons vécu le grand charme d'un club de lecture : lorsque les avis de lecture divergent. Rosine avait aimé cette lecture, Anna avait été déçue, découragée, au point de s'être arrêtée dans sa lecture vers le tiers du livre. Mais justement, Rosine nous a apporté un éclairage sur les autres facettes du récit, en dehors du yoga et des états dépressifs du narrateur. Elle avait particulièrement aimé par exemple les échanges avec l'amie australienne qui se trouve dans l'île de Léros, et la rencontre avec tous les réfugiés là-bas. Je vais m'y remettre, a conclu Anna.

J'ai ensuite repris la parole pour finir de présenter brièvement les livres que j'avais apportés avec moi. Vous trouverez ci-dessous les liens vers les chroniques de ces trois romans en question : Patagonie, route 203 d'Eduardo Fernando Varela et Nous qui sommes jeunes de Preti Taneja.

Et comme ils disent en anglais : last but not least ! Eh oui, Pascale avait gardé le meilleur pour la fin : elle nous a présenté en détail les finalistes du Prix Goncourt. J'aurais voulu insérer dans cet article des extraits audios, dont surtout, l'extrait où Pascale nous détaillait ces quatre livres en les commentant. Mais ce sera pour une prochaine fois, lorsque les moyens techniques de Kimamori auront fait un bond magistral en avant... c'est pour bientôt !

Notez que le prochain club de lecture se tient le mardi 8 décembre 2020. Probablement nous serons encore confinés. Adhérents de la bibliothèque, inscrivez-vous par mail auprès de Kimamori ou en contactant votre bibliothèque de Sainte-Lucie, vous serez alors destinataires de l'invitation avec identifiants et mot de passe. D'ici là, bonne lecture.

Références, listes et liens :

Liens émissions radiophoniques

Vous pourrez écouter les émissions radiophoniques suivantes en référence à nos échanges :
- Annonce du Prix Nobel de littérature et lecture d'un poème de Louise Glück : Claude Askolovitch sur France inter, la revue de presse,
- Entretien Arnaud Laporte avec Miguel Bonnefoy à l'occasion de la parution de son dernier roman, Héritage : Affaires culturelles sur France Culture.

Liens articles

Vous pourrez lire : 
- L'article suivant qui détaille l'histoire du manuscrit offert par la France à la Chine : site actualitté, article du 5 novembre 2020,
- L'article de Pascale Poder sur L'Anomalie de Hervé Le Tellier, et par la même occasion parcourir le blog de la bibliothèque de Sainte-Lucie de Porto-Vecchio, géré et mis à jour par elle.

Liens chroniques et bimensuel

Vous pourrez cliquer sur les liens suivants pour lire les chroniques Kimamori consacrés à certains livres évoqués lors de ce club de lecture :
- Une république lumineuse, d'Andrés Barbo,
- Héritage, de Miguel Bonnefoy,
- Elle a menti pour les ailes, de Francesca Serra,
- Journal bimensuel de Kimamori où sont présentés les publications poche évoqués lors de cette réunion,
- L'Anomalie, de Hervé Le Tellier,
- Les villes de papier, de Dominique Fortin,
- Une rose seule, de Muriel Barbery,
- Nous qui sommes jeunes, de Preti Taneja,
- Patagonie route 203, d'Eduardo Fernando Varela. 

Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.

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