L’île aux moines, de Pascal Malosse

C'est avec plaisir que j'ai retrouvé la plume de Pascal Malosse, dont j'avais déjà chroniqué le recueil de nouvelles Soleil Trompeur, publié chez Malpertuis. Il revient avec "L'île aux moines", une novella horrifique et pleine de mystères. Et, pour que la lecture soit d'autant plus immersive, on peut découvrir en préambule de très belles illustrations des personnages qui prendront place dans l'histoire, ainsi qu'une brève description de leur parcours. La nouvelle se trouve dans la collection Lueurs Obscures de chez Ogmios, qui a pour idée de publier des romans courts ou des Novellas fantastiques teintées d'horrifique.

Le réputé inspecteur Laugier est envoyé par sa hiérarchie sur l'île de Saint-Honorat, au large de la Côte-d'Azur. Des moines sont sauvagement assassinés dans leur abbaye et l'inspecteur du 36 Quai des Orfèvres, à la réputation quelque peu usurpée, apparait comme le dernier recours pour ne pas que les choses s'enveniment davantage.

«- Je crois que je suis en train de perdre la foi, inspecteur".
Moi, ce n'était pas si grave. J'étais seulement en train de perdre la raison.

Ce qui était déjà marquant dans l'écriture de Pascal Malosse, c'est bel et bien la force de ses descriptions. Et là, nous sommes servis. Le cadre, l'île, sont parfaitement dépeints, mais c'est dans les descriptions des meurtres que l'auteur excelle. On pourrait croire que l'on assiste à une autopsie ! Pascal Malosse a l'intelligence de ne pas tomber dans l'excès, de faire "gore" juste pour choquer. Il nourrit son texte d'adjectifs, de métaphores et autres figures de style qui ne font pas perdre de vue l'importance et la rigueur du travail d'écriture. L'horreur est magnifiquement bien décrite.
Laugier doit faire face à son incapacité à résoudre l'enquête qui ne cesse de s'alourdir avec de  nouveaux meurtres, avec à chaque fois de nouveaux modes opératoires, mais aussi aux superstitions des religieux qui voient dans ces crimes l'œuvre du Diable en personne. Pour eux, une seule solution, tenter de purifier l'abbaye ou sinon, quitter l'île au plus vite. Il est vrai que j'ai moi-même pensé qu'il vaudrait sûrement mieux tout raser, et jeter du sel pour être sûr que plus rien n'y pousse jamais !

Les forces de l'ordre remettent vite en question les talents de l'inspecteur. Mon seul regret concerne d'ailleurs l'agente Patroni, car j'aurais aimé en lire davantage la concernant. Il faut dire que Laugier est loin d'être un personnage attachant ; alcoolique, désagréable, amateur de maison close. Entre lui et les moines, c'est le choc des cultures.
La Novella se dévore très rapidement - elle comporte moins d'une centaine de pages - et, bien sûr, ne serait pas sans rappeler Le nom de la Rose, mais personnellement elle m'a aussi rappelé une autre œuvre, dans un style totalement différent cependant ; le manga Vatican Miracle Examiner, où là aussi, des moines subissent les plus sordides courroux.

« Le calibre douze demeurait introuvable. Je ne m'en émus pas. J'étais à présent un professionnel de l'échec, un soldat de la bérézina, un artiste du fiasco total."

Le choix de poser, encore une fois, son décor et son histoire dans un lieux réel donne à la Novella de Pascal Malosse un côté tangible et d'autant plus angoissant. Les chapitres sont brefs, dynamiques, et l'enquête saura vous tenir en haleine jusqu'à son dénouement.

L'ILE AUX MOINES
Pascal Malosse
Illustration de couverture ; Audrey Bakulin
éd. Ogmios, collection Lueurs Obscures, 2021
Illustrations intérieures ; Antonin Gallo

La photographie en tête de l'article est d'© Amalia Luciani pour Kimamori.

Article d'Amalia Luciani

Historienne de formation, elle est enseignante, photographe et nouvelliste. Elle a été journaliste en freelance.
Responsable de la rubrique Littérature de l'Imaginaire, elle gère le compte et les communications Instagram. Elle est également l'experte polar de Kimamori.

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