Éloge des voyages et du repos, d’Elisabeth Foch-Eyssette

« Où s'achève la nature ? Où commence l'art ? »

« Les gens rencontrés au hasard des routes ne se doutent pas que le souvenir que l'on a d'eux nous accompagne. Qu'ils font partie des proches. Définitivement. »

La rencontre d'un livre s'apparente aussi à ces rencontres au hasard des routes. C'est tout particulièrement vrai pour cet essai d'Elisabeth Foch-Eyssette. Composé de mille fragments, pensées, citations et photographies, il vous sera difficile de le quitter. Peut-être, comme moi, l'installerez-vous dans l'antre de votre table de chevet pour le picorer régulièrement et fréquemment. Et vous endormir sur une sensation, une idée, qui pourra florir et se transformer en méditation durant votre nuit.

Deux grandes parties composent ce recueil : Voyages et souvenirs sans fin, suivi de La vie est une traversée vers sa maison. Ces titres vous éclairent déjà sur la profondeur du texte. Chacun des essais ou fragments qui s'y trouvent donnent chair et os à cette boucle qu'est le voyage. Les lieux se tiennent la main, les notions sont explorées sans séparer continents et cultures. Mais chaque chose, coutume, croyance, paysage .. est rendue à sa juste valeur. Si le séjour dans l'ailleurs est un éternel retour sur soi, il n'en est pas moins un enrichissement des multiples formes de ce soi. En cela Eloge des voyages et du repos est inépuisable. D'ailleurs les essais, qu'ils s'étendent sur des pages ou simplement sur quelques lignes, portent un nom. Trouver son double, Choses qui tournent rond, Une lumière pour la nuit, Images du dedans et du dehors, La saveur des premières fois. Eh oui, quelques mots posés sur la feuille nous offrent, à nous lecteurs, de voguer dans un lointain en se tenant très immobile, à l'affût des résonnances que le texte va éveiller en nous. Réflexions gracieuses, imaginaire mûrement libéré, analyses raffinées nous cueillent à chaque détour.

Je me suis rappelé, en lisant ce livre, d'une pensée qui m'a longuement habitée à une époque : le chemin le plus direct est celui qui emprunte mille détours. Ainsi, pour être sûr d'arriver à bon port, c'est bon de se perdre sur les sentiers de traverse. Il arrive probablement un jour où l'on est si bien habité de toutes les terres que l'on a sillonnées - géographiques ou littéraires - que notre maison nous accueille enfin. Elle est riche, vaste, faite de mille couleurs, lumières et saveurs enchanteresses.
Tel est l'effet de la lecture d'Éloge des voyages et du repos. On lit quelque page, quelques mots, puis l'on y revient pour réaliser tout cela qu'on avait oublié, et ce que l'on n'avait pas encore bien déchiffré, de son propre vécu.

Le livre fourmille aussi de détails sur tant de pays, de régions du monde. Il nous invite à faire des recherches, de notre côté, lorsqu'on s'interroge sur un mot, une image, un rituel, qui sont évoqués. Il peut nous parler du Yi King, d'un gompa ou d'une chuda. Et dans la deuxième partie, qui interroge et cherche à s'approprier, ou à aimer, la vie sédentaire, le texte nous ramène à mille aspects de notre quotidien, de cela qui est le plus proche de nous, Mon quartier - ma rue - mon boulanger - mon café. Vous aurez un sourire amusé en lisant le paragraphe qui suit cette énumération. Et finalement vous aurez l'impression, dans votre quartier, votre rue .. de vivre les fleurs de cerisier du Japon !
Je vous propose un extrait enjoué, un fragment qui porte comme titre
Le chemin vers la maison
Jamais il n'est aussi attirant qu'au retour de l'école. Quitter la salle de classe où l'on reste des heures assis sur une chaise inconfortable, coincé derrière un bureau trop petit, est une délivrance. Le mouvement est si souvent réprimé dans l'enceinte des écoles qu'il faut trouver des astuces pour se raccrocher à la vie. Le sculpteur Maillol, qui n'a gardé de sa période scolaire qu'une impression d'ennui, raconte : « J'ai cependant trouvé moyen d'élever un moineau dans mon pupitre ; c'est tout ce que j'ai appris. »

Comme tout récit qui s'inscrit avec fidélité dans le voyage (et ce que cette notion représente), le livre d'Elisabeth Foch-Eyssette nous offre une promenade littéraire nourrie de bon nombre d'influences. Les citations sont des nectars, bien-sûr, mais les pensées des auteurs auxquels le livre se réfère sont déliées .. et reliées avec le propos.
Ce n'est pas facile de faire une chronique d'un tel livre. Va-t-on en donner une image réductrice, ou si teintée d'une lecture personnelle qu'on serait dans le faux ? Chacun vivra ce texte à sa manière, en harmonie avec son passé et ses expériences, de voyage et de maison. Car, assurément, il nous accueille avec une ouverture du cœur inégalable.

ÉLOGE DES VOYAGES ET DU REPOS.
Elisabeth Foch-Eyssette
éd. Arléa, 2018
format poche - Arléa, 2021

Les photographies présentées dans l'article sont les œuvres d'Elisabeth Foch-Eyssette et sont issues du livre présenté dans l'article.

Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.

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