Une boutique au coeur tendre…

Hiromi Kawakami est un de mes écrivains contemporains préférés. Je sais qu’en me plongeant dans ses livres je vais être bercée par la douceur d’une humanité touchante et sincère. Je sais que je vais être en contact avec des sentiments délicats et des émotions révélées dans la discrétion. Et de livre en livre j’aime être gagnée toujours et encore par cette profondeur paisible dont elle sait enrober son lecteur… Un tout nouveau livre d’elle vient d’être publié dans sa traduction française que je ne manquerai pas de lire (Soudain, j’ai entendu la voix de l’eau). Mais laissez-moi vous parler d’abord de ce livre-ci, qu’elle a écrit en 2005, qui a été publié en France en 2007 et que j’ai eu le plaisir de découvrir aujourd’hui, en 2016 ! « La Brocante Nakano » se déroule dans un décor intimiste, celui de cette petite boutique qui réunit en son sein la narratrice, le patron de la boutique, sa soeur, et un quatrième personnage qui travaille aussi là. Une histoire d’amour liera les deux employés de cet dang-canantiquaire brocanteur et elle sera fidèle à la tendresse maladroite qui bat au coeur de ce magasin, loin des commerces dont nous avons l’habitude aujourd’hui…

C’est la vie d’un quartier que nous allons effleurer de nos sens cachés, le raffinement de la culture japonaise, l’humour tissé d’une page à l’autre dans les dialogues saugrenus et inattendus, mais aussi une liberté vraie au-delà de tout ce qui se range dans le paraître. La liberté est dans l’Etre et dans l’attention portée aux autre, celle qui ne ment pas, celle qui ne se montre que dans l’infini finesse du respect. Et nos personnages se rapprochent lentement les uns des autres. Ils sont traversés de sentiments explosifs et si bien contenus. Et chaque jour se vit. L’activité de chacun au quotidien se déroule, et la vie de la brocante Nakano trace le nid d’une rivière étincelante et scintillante.

Que dire d’autre de ce livre ? Je ne sais… Alors j’ouvre au hasard mon livre, que j’ai sous la main, je tombe sur une page, n’importe laquelle, et je lis le passage que j’ai sous les yeux. Et je me dis, voilà, je vais partager ce passage avec vous :

Nous sommes restés un moment sans parler. Puis j’ai poussé un long soupir avant de dire en guise de conclusion :
Au fond, moi, même si je renaissais, je ne voudrais pas être Monsieur Nakano. Takeo a été secoué par le rire.
Ça m’étonnerait que tu renaisses sous l’apparence de Monsieur Nakano.
Oui, évidemment, mais quand-même.
Cette Sakiko, en tout cas, je peux pas la détester! a dit Takeo.
C’était la même chose pour moi, je n’arrivais pas à la trouver détestable. Il va sans dire que c’était pareil pour Monsieur Nakano. Il y avait dans le monde une foule de gens que je ne détestais pas, parmi eux quelques uns faisaient partie de la catégorie de ceux que je n’étais pas loin d’aimer ; il y avait aussi le contraire, ceux que je détestais presque. Mais alors, quelle était la proportion des gens que j’aimais vraiment ? me suis-je demandé tout en serrant légèrement la main de Takeo. Il était perdu dans le vague.
En sortant de l’hôpital j’ai regardé le ciel et j’ai vu briller une étoile dont j’ignore le nom, qu’on aperçoit toujours à cette heure en cette saison. J’ai appelé doucement Takeo. Une fois, deux fois. Alors il m’a embrassée. Le même baiser, sans la langue. J’ai fait comme lui, et je suis restée immobile. La chaleur de sa bouche m’a étonnée. Quelque part on a entendu le bruit d’un moteur qu’on allume, qui s’est éteint tout de suite.

LA BROCANTE NAKANO
Hiromi Kawakami
traduit du japonais par Elisabeth Suetsugu
Editions Philippe Piquier 2007 (poche 2009) v.o. 2005

Je vous bien entendu à lire les autres livres de Hiromi Kawakami. Voici les pages Kimamori qui parlent de « Les années douces » et « Le temps qui va, le temps qui vient ».

L’illustration présentée ci-dessus est de Dang Can

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