Citadins de demain, Capitale du Nord.1, de Claire Duvivier

Le précédent roman de Claire Duvivier, "Un Long Voyage", m'avait conquise, et d'ailleurs, au vu de ses nombreux prix, je n'étais pas la seule. J'attendais avec impatience son prochain projet. C'est avec une saga à quatre mains qu'elle nous revient, accompagnée de Guillaume Chamanadjian ! Ensemble, ils tissent deux trilogies parallèles évoluant dans un même univers, celui de "La Tour de Garde".  Claire Duvivier s'attaque donc à la trilogie "Capitale du Nord", tandis que Guillaume Chamanadjian rédige "Capitale du Sud". Même si les deux histoires peuvent se lire de manière indépendante, les auteurs conseillent de suivre l'ordre de parution, le premier étant "Le sang de la Cité, Capitale du Sud 1 " de Guillaume Chamanadjian. Ce que j'ignorais en me lançant dans le roman dont je vais vous parler aujourd'hui. Vous pouvez donc me croire lorsque je vous dis que la construction des romans permet d'apprécier chaque opus individuellement !
J'ai donc commencé le voyage par le premier tome - le deuxième est sorti - qui se déroule dans la capitale du Nord, Dehaven, le début de la trilogie de Claire Duvivier.

Amalia Van Esqwill - le prénom du personnage n'a absolument pas orienté ma lecture, je vous assure - est notre narratrice. Elle est issue d'une grande famille noble de Dehaven. Sa mère siège au haut conseil de la ville, tandis que son père dirige une puissante entreprise commerciale. Avec son ami Hirion, elle reçoit depuis l'enfance une instruction singulière et inédite. Désireux d'en faire de parfaits citoyens de demain, leurs parents privilégient l'enseignement de la raison et de la science. L'activité physique y tient également une place prépondérante. Seuls manquent à leur éducation, car dénués d'intérêt pour les parents, les contes, légendes et histoires en tout genre, ce qui ne cesse d'étonner leur ami Yonas, issu d'une famille d'éclusiers. Le jeune garçon est l'unique roturier à être toléré dans leurs salles de classe et, de manière générale, dans leur entourage. Ensemble, ils jouent à un jeu de plateau intitulé La tour de garde, nom donné à l'univers des deux auteurs.
Le contraste entre la vie de Yonas, les lieux qu'il fréquente, son mode de vie et le milieu privilégié d'Hirion et d'Amalia donnent à la ville un aspect extrêmement concret et complet. Dehaven devient tangible pour le lecteur en lui offrant tous les aspects qui la composent. La capitale presque un personnage à part entière, tient un rôle prédominant dans l'histoire ; son fonctionnement est passionnant et très bien développé.

« Ce sont des pensées tout à fait naturelles, même si elles vous viennent bien précocement. Quand j’avais trente ans, je me figurais être un balourd par rapport au vif jeune homme de vingt ans que j’avais été ; et aujourd’hui, je souhaiterais tellement me montrer aussi perspicace que l’était ce balourd… C’est une illusion. Ce n’est pas votre esprit qui s’engourdit, c’est le monde autour de vous qui vous apparaît progressivement dans toute sa complexité ; un processus qui ne cessera qu’à votre mort. S’en inquiéter est plutôt sain, mais cela ne doit pas vous paralyser".

En effet, en grandissant, Hirion et Amalia perçoivent les faiblesses de la ville, et surtout ce qui est attendu d'eux. Des tensions politiques apparaissent, à Dehaven mais aussi dans les colonies, et les deux amis commencent à se poser des questions, en particulier sur l'obsession que porte la ville au sang. Les unions, et donc  la préservation des lignées sont primordiales pour la capitale, une spécificité qui leur avait jusque-là échappé. Yonas, moins épargné depuis toujours, connait de nombreux rouages ignorés d'Hirion et d'Amalia, préservés dans leur cocon.
Au fil des pages, un aspect magique vient s'inviter dans la vie de nos trois amis, surtout dans celle d'Hirion, et je vous assure que les dernières pages vous frapperont en plein visage, tant par la violence des évènements que par le changement de ton par rapport au début du roman.

Le worldbuilding est très fort, Claire Duvivier prend le temps de placer son décor et ses personnages, la suite promettant un changement de cap et un développement très intéressants. L'insouciance des adolescents est bien loin !
L'absence de connaissance de toute une culture populaire et des contes rend déterminante la rencontre d'Amalia et d'Hirion avec la magie. Lorsqu'Hirion présente à ses amis une expérience qui, si elle réussit, va enchanter un certains nombres d'objets qu'il a trouvés et qui pourront probablement aider sa sœur, mutique depuis de nombreuses années, l'éducation et la culture scientifique d'Amalia la pousse à rejeter en bloc cette idée. L'évolution de l'histoire va lui donner tord, mais je n'en dis pas plus.

« Peut-être aurait-on dû nous confier les clefs de la ville, à ma mère et à moi : avec nous deux aux commandes, Dehaven et son obsession stérile pour le sang disparaitraient, certes, mais avec panache. »

Dans ce premier tome, j'ai retrouvé ce qui m'avait plu dans le précédent roman de Claire Duvivier ; de la fantasy sans excès, savamment distillée et dont l'arrivée en douceur perturbe les personnages.
Leur éducation, qui n'est pas sans rappeler celle du siècle des Lumières, ne les a pas préparés à tout. Leur rejet de la fiction populaire les désarme et leur esprit pourtant si affuté dans de nombreux domaines semble incapable de faire preuve d'imagination. Yonas, le seul à posséder cette qualité en plus de l'éducation qu'il a reçue à leur côté, est pour eux non seulement un ami, mais aussi un conseiller et un guide avisé qu'il sera bon d'avoir à leurs côtés s'ils veulent protéger  la ville de futurs conflits.
Bien évidemment, je vais me plonger rapidement dans le tome 1 de Capitale du Sud, car de nombreuses références ont dû m'échapper. L'univers étant passionnant, je veux en connaitre les tenants et les aboutissants et ne manquer aucun lien entre la cité de Dehaven et celle de Gemina (la capitale du Sud).
Claire Duvivier et Guillaume Chamanadjian se sont lancés un défi titanesque qui a conquis de nombreux lecteurs. Ces derniers, j'en suis sûre, auront désormais hâte de savoir où vont se rejoindre les destinées des personnages des deux cités opposées par leurs localisations mais liées par un mystère commun …

CITADINS DE DEMAIN
CAPITALE DU NORD, 1
Claire Duvivier
Le cycle de La Tour de Garde a été créé avec Guillaume Chamanadjian
éd. Aux Forges de Vulcain, 2021
Couverture : Elena Vieillard

La photographie en tête de l'article est d'© Amalia Luciani pour Kimamori.

Cet article a été conçu et rédigé par Amalia Luciani.

Leave a Comment