Mon cher mari, de Rumena Bužarovska 

Pour cette rentrée littéraire, j'ai eu la chance de me plonger dans le recueil de nouvelles de Rumena Bužarovska, ouvrage de onze histoires de couples avec un grand C. Loin d'être une ode au romantisme mièvre, toutes ces femmes nous racontent leurs histoires d'amour. Fragilisées par le temps, abimées, modifiées, mais réelles.
Les hommes de ce recueil ne font pas particulièrement rêver, c'est le moins que l'on puisse dire ! Rumena Bužarovska nous fait passer par une succession d'émotions, on rit beaucoup, on est ému, mais surtout indigné. Qu'ils soient machistes, infidèles, baratineurs, faibles, tyranniques, ou simplement distants, tous ces portraits d'hommes mariés en disent long in fine sur leurs compagnes, tantôt soumises, menteuses, ou en souffrances dans leur rôle d'épouse ou de mère. Bref, un portrait au vitriol de la société macédonienne et sa vision de la femme qui doit se débattre dans un monde qui lui souffle de se rebeller, et une société toujours extrêmement traditionnelle.

Chaque nouvelle questionne la place de la femme au sein de la famille, du couple, et de la société dans son ensemble. Derrière de grandes tragédies, le comique n'est jamais très loin et il est sûr que chaque lectrice saura se reconnaitre dans l'une ou l'autre ! Loin de ce que le titre pourrait laisser sous entendre, le couple semble être la première étape d'une réflexion bien plus large de l'auteure. Avec lucidité, Rumena Bužarovska n'est en rien moralisatrice envers les hommes de son recueil, au contraire, tous leurs défauts et leurs faiblesses d'êtres humains donnent matière à se questionner sur les femmes elles-mêmes.

Tout en pointant du doigt l'ampleur du patriarcat, de nombreuses femmes du recueil ne sont pas épargnées et possèdent également leur lot de lâcheté et de manipulation. 
Mari poète, prétentieux et sans talent ; la perte de l'être aimé ; une banale histoire d'adultère qui dérape ; la culpabilisation du mari envers sa femme et ses gênes corrompus, ayant un grand-père malfrat, qu'elle aurait transmis au fils du couple ; Un mari médecin et peintre à ses heures perdues, au grand dam de son épouse et de leurs amis ; Une artiste sans talent qui souffre du départ de ses enfants ; Un mari qui refuse que sa femme rende visite à sa mère mourante, et qui va être confronté à une abominable épreuve … Voilà, très succinctement, quelques-unes des nouvelles que vous trouverez dans le recueil. Toujours entre ironie et sensibilité, Rumena Bužarovska nous questionne sur la banalité de la vie conjugale et sur toutes les émotions et les sentiments que nous lions au mot "Amour", des plus purs au plus vils.

MON CHER MARI,
Rumena Bužarovska 

Traduit du macédonien par Maria Bejanovska
éd. Gallimard, 2022, sortie le 8 septembre

La photographie en tête de l'article est d'© Amalia Luciani pour Kimamori.

Photographie de l'article, © Nan GoldinNan and Brian in bed, New York City, 1983 

Cet article a été conçu et rédigé par Amalia Luciani.

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